A quelques jours de l’élection nigériane, l’idée reçue selon laquelle la récente tournure de la lutte acharnée qui oppose le groupe terroriste Boko Haram et les forces conjointes du Nigeria, du Tchad, du Niger et du Cameroun, résulte d’une posture électoraliste du président sortant Goodluck Jonathan, est encore profondément ancrée dans certains esprits. Retour sur les méandres d’une guerre civile d’une rare violence.
L’élection générale nigériane approche, un phénomène des plus troublants subsiste. Le scrutin s’annonce comme le plus serré de l’histoire du pays depuis son retour à la démocratie en 1999. Pourtant, une grande quantité d’informations erronées circulent encore. Le plus grand mensonge relayé presque systématiquement par la presse francophone – tendance moins présente chez nos homologues anglo-saxons dont le proximité historique et les attaches culturelles avec le Nigeria leurs assurent une meilleure compréhension de la situation sur le terrain – concerne l’attitude du président sortant Goodluck Jonathan à l’égard de la secte islamiste Boko Haram.
A en croire certains articles, la secte – dont l’existence précède le premier mandat de Jonathan de presque 10 ans – est, si ce n’est apparue par sa faute, devenue le monstre qu’elle est à cause de lui. Négligence grave, mépris des régions du Nord, majoritairement musulmanes et moins riches (en particulier les trois états de Yobé, Borno et Adamawa à l’Est), volonté d’empêcher les populations de ces régions traditionnellement opposées à son parti de voter, tout à été dit par l’opposition, et servilement repris pas la presse.
Si Jonathan a lui-même admis avoir initialement sous estimé la menace Boko Haram, il n’a pourtant pas lésiné sur les moyens de combattre le groupe – et ce dès juillet 2009, lorsque la première série d’attaques simultanées dans quatre États du nord du Nigeria (Bauchi, Borno, Yobe et Kano) est lancée par le groupe et qu’il assure l’intérim d’un président malade. Sa riposte à ces attaques avait même été dénoncée comme trop virulente à l’époque par certains groupes politiques – qui aujourd’hui doivent s’en mordre les doigts. Sa véritable erreur de jugement a été de sous-estimer les soutiens extérieurs dont le groupe allait bénéficier dans les années à venir, soit les facteurs étrangers qui ont renforcé Boko Haram et en ont fait le groupe qu’on connaît aujourd’hui.
Il s’agissait d’abord du soutien aveugle des wahhabites et frères musulmans jusqu’au début des années 2010, et étaient prêts à aider économiquement tout mouvement sunnite contestataire dans les pays d’Afrique du nord – avec beaucoup de succès pour le Printemps arabe. S’il n’est pas interdit de prêcher pour sa paroisse, un tel soutien était en tout cas irresponsable dans le cas d’un groupe si radical, dont les croyances sont un amalgame médiéval d’animisme et des préceptes les plus belliqueux de l’Islam sortis de leur contexte. On le voit d’ailleurs aujourd’hui : les premières victimes de Boko Haram sont très majoritairement des musulmans. Le soutien d’AQMI a également, et sans surprise, beaucoup compté dans le développement de Boko Haram. Mais le fait majeur marquant demeure l’effet domino du Printemps arabe, qui a mené au pillage des arsenaux militaires des dictateurs au pouvoir au Maghreb par des insurgés, dont certains étaient issus de milices fondamentalistes – tout particulièrement en Libye ou d’importants stocks d’armes de Kadhafi ont été récupérés. De nombreux combattants sont par la suite venus renforcer les rangs de la secte, en difficulté à l’époque face à une armée nigériane qui progressait rapidement.
L’arrivée de ces recrues aguerries et lourdement armées a fait pencher la balance du côté des terroristes, et à partir de 2012, la campagne militaire nigériane s’est lentement enlisée, laissant au groupe le champ libre pour se proclamer califat et pousser plus loin ses exactions. Après que l’assemblée – sur initiative de l’opposition – se soit par deux fois opposée à l’application de l’Etat d’urgence dans les trois Etats du Nord-est où le groupe sévit, en Novembre 2013 et Janvier 2014, Jonathan a dû changer son fusil d’épaule, et chercher de l’aide au niveau international. Il en a résulté une double stratégie : un travail de fond pour solidariser les pays voisins pour former coalition pour combattre le groupe, d’abord. Ces tractations ont finalement abouti début 2015 malgré de nombreuses dissidences entre les pays concernés – notamment sur des disputes de souveraineté concernant des régions côtières riches en pétrole. Sur le terrain, le différence s’est immédiatement fait ressentir, avec des terroristes acculés, démoralisés, essuyant revers sur revers. En en même temps une coopération avec les pays occidentaux afin de se procurer le matériel nécessaire pour le nouveau type de guerre mené par Boko Haram (principalement des instruments de détection mais aussi des armes lourdes pour détruire les chars libyens qui se sont invités au Nigeria).
Plutôt que de relayer les faits expliquant le succès tardif nigérian contre Boko Haram, certains continuent à raconter une fable dangereuse. Elle l’est d’autant plus que l’opposition s’était initialement indignée du report du scrutin pour des raisons de sécurité, laissant les populations du Nord, dont elle prétend défendre les intérêts, à la merci des attentats-suicides du groupe. Il n’est pas difficile d’imaginer l’horreur de bombes sur les foules groupées un jour d’élection. Plus triste encore, Jonathan semble le seul à avoir compris les réels enjeux de cette guerre, faisant de l’éducation un axe majeur pour combattre le fondamentalisme. Le fait qu’il ait au plus vite procédé à une réouverture de l’école de Chibok, où Boko Hram avait enlevé un 237 lycéennes, en Avril 2014, montre qu’il a accompagné les discours d’initiatives concrètes.
Cet article est très juste. L’insurrection de Boko Haram a été largement utilisée à des fins politiques pour tâcher le bilan présidentiel de Jonathan. Les personnes qui se cachent derrière cette stratégie devraient avoir honte, des milliers de gens sont morts, dont des militaires donnant leur vie pour notre pays.