Protestataires dans les rues de Kiev, le début de la fin pour Porochenko ?

Protestataires dans les rues de Kiev, le début de la fin pour Porochenko ?

Installé au pouvoir dans la période très troublée du post-Maïdan, Petro Porochenko dirige l’un des pays les plus difficiles à gouverner sur le continent européen. Les luttes d’influence sont multiples, les pressions extérieures omniprésentes et le peuple prompt à ériger des barricades. Alors que les armes se taisent dans l’Est du pays, la grogne monte dans la capitale. Les premiers signes d’un affaissement du pouvoir se font jour.

On dit souvent que les affaires et la politique ne font pas bon ménage. En Ukraine, c’est l’inverse. Les hommes politiques sont des businessmen et vice-versa. Le pouvoir mène à l’argent et l’argent mène au pouvoir. Et comme dans une entreprise, lorsque les blâmes se multiplient, la fin du contrat n’est pas attendue patiemment. La machine se met en branle et en quelques semaines le pouvoir peut échouer dans les mains d’un nouvel homme fort.  L’ex président Viktor Ianoukovytch en est un bel exemple. Après plusieurs mois de contestations de plus en plus violentes, il a préféré renoncer à sa charge de manière précipitée – s’envolant en Russie avec des millions et des secrets bien gardés.

Après une courte période d’intérim, un oligarque bien connu du grand public en Ukraine est propulsé à la présidence en mai 2014. Presque un an et demi aux manettes et un bilan particulièrement discutable si l’on se place dans la peau de l’homme de la rue. La Crimée annexée par la Russie en mars 2014 appartient définitivement au passé. La guerre dans le Donbass a fait plus de 8 000 morts et a annihilé tout espoir de réconciliation à court terme entre l’Est et le reste du pays. L’économie s’est effondrée ravivant des tensions sociales rarement indolores. Etait-il possible de faire mieux ? Donner une réponse franche serait quel que peu présomptueux au regard de la situation chaotique dans laquelle le pays est plongé depuis deux années.

Le constat est toutefois difficile à digérer. Certaines voix plutôt proches des séparatistes expliquaient que le conflit armé était entretenu pour éviter de s’attaquer aux problèmes de fond que sont l’économie et le social. Une lecture orientée, mais qui n’est pas sans fondement car depuis que le cessez-le-feu est respecté sur la ligne de front, les Ukrainiens commencent à respirer et à sentir avec plus d’acuité le souffle d’une crise économique sans précédent dans l’histoire récente. La Banque mondiale prévoit une baisse du PIB de 12 % en 2015 alors que la situation qui s’améliore sur le terrain aurait pu laisser espérer un ralentissement de la chute. L’inflation, donnée économique la plus rapidement perceptible par les ménages, est elle aussi dans le rouge avec une hausse impressionnante de 46 % attendue sur l’ensemble de l’année 2015.

La grogne monte au sein de la population et les élections municipales du 25 octobre s’annoncent très périlleuses pour la majorité. Tout le pays se rendra aux urnes (sauf le Donbass où les séparatistes ont accepté de ne pas tenir leur propre scrutin, mais on refusé celui du gouvernement) et un revers est craint du côté de l’exécutif. Le Parti radical d’Oleg Liachko rassemble de nombreux mécontents dont un millier a déjà planté ses tentes près du bâtiment du Conseil des ministres. Ces nouveaux contestataires appellent à la démission du gouvernement et pourraient rapidement être rejoints par des milliers d’autres Ukrainiens si une solution n’est pas trouvée sur la question du coût de l’énergie.

La situation politique pourrait se tendre et profiter à certains hommes politiques plus discrets depuis quelques mois. Exception faite de Dmytro Firtash, un homme d’affaires dans le milieu de l’énergie (justement) dont le poids politique grandit et qui a marqué les esprits ces derniers temps avec le lancement de l’Agence pour la modernisation de l’Ukraine (AMU). Initiative privée dont le but affiché est de recueillir des financements internationaux à hauteur de 300 milliards de dollars, l’AMU n’est pas passée inaperçue auprès d’Ukrainiens en quête de solutions pour remettre le pays à flots. Etant donné la situation, celle ou celui qui parviendra à enrayer la chute de l’économie trouvera grâce aux yeux des électeurs et des contestataires. En Ukraine ces deux entités se confondent largement et gare à la montée de la colère. Un nouveau Maïdan n’est jamais à exclure.

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