Selon un sondage réalisé au mois d’octobre dernier par le cabinet Demoscope, pour le compte de l’Institut de l’énergie nucléaire Suissnuclear, une grande majorité des citoyens suisses serait favorable à l’énergie nucléaire, et estime qu’elle jouera un rôle déterminant dans le futur pour répondre à la demande nationale en électricité. Une tendance qui s’explique notamment, comme en France, par la volonté globale de garantir l’indépendance énergétique de la Fédération helvétique et de lutter contre le changement climatique.
Pour la préservation d’un mix énergétique décarboné
Ainsi, près de 60% des personnes interrogées considèrent que les centrales nucléaires existantes sont toujours nécessaires pour l’approvisionnement en électricité de la Suisse, et 66% sont opposées à une limitation des durées d’exploitation des centrales nucléaires tant que les conditions de sécurité maximales seront garanties. Pour expliquer leur choix, les Suisses évoquent généralement la fiabilité et la sécurité de la production électronucléaire, la qualité de l’air qui en découle ainsi que le faible coût de production.
Le sondage révèle en effet l’importance qu’accorde la population helvétique aux préoccupations environnementales. 83% des sondés affirment que la transition énergétique ne doit pas devenir un « prétexte pour faire des concessions sur la protection du climat », et estiment qu’il est nécessaire désormais de profiter de toutes les sources d’énergie à faible émission de carbone qu’il s’agisse du nucléaire, de l’hydroélectricité ou des énergies renouvelables.
Cela étant, près de 88% pensent toutefois que ce tournant énergétique ne doit pas menacer la sécurité de l’approvisionnement national. Il semble en effet primordial pour les personnes interrogées ici que la Fédération réduise progressivement sa dépendance à l’étranger pour l’approvisionnement en électricité.
La priorité donnée à l’indépendance énergétique
Depuis plusieurs années, en hiver, la Suisse doit importer de l’électricité produite par les centrales nucléaires françaises pour couvrir ses besoins. Grâce à ses capacités liées à l’atome, EDF, le premier électricien mondial, assure en effet non seulement l’indépendance énergétique – tant recherchée par les Suisses – de la France, mais peut également fournir en électricité décarbonée les voisins de l’Hexagone. Dont la Suisse, par conséquent, qui deviendrait d’autant plus dépendante si les trois plus anciennes centrales nucléaires du pays, Beznau-1 et 2 et Mühleberg, venaient à fermer une fois arrivées au terme de leur durée de vie à l’horizon 2020.
Pour y remédier, le gouvernement s’est engagé dans un vaste plan de développement des énergies renouvelables afin d’accompagner une production hydroélectrique et nucléaire déjà importante. Problème, les fortes subventions accordées aux renouvelables en Allemagne suite à l’abandon progressif de l’énergie nucléaire en 2011, bouleversent le marché de l’énergie éolienne et photovoltaïque, désormais disponible à des prix cassés chez le voisin allemand.
Les aides allemandes freinent les entreprises à investir dans de nouvelles installations en Suisse, et plombent la filière hydroélectrique helvétique dont une partie de la production ne peut plus concurrencer la faiblesse des prix allemands. En réponse, la Fédération suisse a prévu une aide de 300 millions de francs (environ 277 millions d’euros) par an pour soutenir le secteur hydroélectrique.
Comme l’explique dans le quotidien suisse Le Temps Peter Ramsauer, président de la commission de l’énergie du Bundestag en Allemagne, la transition énergétique allemande est « très mal coordonnée avec les pays voisins » et la sortie précipitée du nucléaire a aujourd’hui des conséquences néfastes « sur le marché européen de l’électricité ». L’arrêt de neuf centrales en 2011 était une réaction de panique suite à Fukushima.
L’intérêt d’une énergie nucléaire de complément
Au regard des difficultés rencontrées par les filières renouvelables, la Suisse a donc aujourd’hui tout intérêt à maintenir une production nucléaire élevée à la fois bon marché et décarbonée, afin de garantir son indépendance énergétique. La stratégie associant l’énergie nucléaire et les renouvelables dans un mix décarboné au maximum est déjà en vigueur en France et fait des émules au Royaume-Uni, dont le gouvernement a décidé de relancer le programme de développement nucléaire dans le cadre du projet de Hinkley Point, en partenariat avec EDF.
Pour rappel, le mix électrique suisse associe aujourd’hui 58% d’énergie hydraulique à environ 36% d’énergie nucléaire. Les 5% restants sont fournis par des usines d’incinération des ordures ménagères (UIOM) et les nouvelles énergies renouvelables comme le vent, le soleil et la biomasse.
Si la part du nucléaire est logiquement amenée à baisser dans les années à venir au regard des choix opérés par la Fédération helvétique, on peut toutefois se demander au même tire que la population suisse, si et quand les nouvelles énergies renouvelables telles que la biomasse, l’énergie éolienne et l’énergie solaire ou, un jour, la géothermie, pourront combler ce déficit énergétique annoncé.
Crédits photo : KKG
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