Procès ADM, Cargill, Nestlé : vers des filières cacaoyères plus responsables ?

Procès ADM, Cargill, Nestlé : vers des filières cacaoyères plus responsables ?

La justice américaine a tranché : les multinationales accusées d’avoir eu recours au travail d’enfants dans la production de cacao seront finalement poursuivies devant les tribunaux américains. Un signal fort qui lève le voile sur la réalité des plantations ivoiriennes, mais qui est loin de résoudre le problème de l’exploitation et du manque de scolarisation des enfants en Afrique.

Nestlé, ADM et Cargill poursuivis devant la justice américaine

Les multinationales du chocolat n’auront pas réussi à se soustraire à leur responsabilité. La Cour suprême des États-Unis vient de revenir sur sa jurisprudence antérieure relative à la poursuite de multinationales, quelle que soit leur nationalité, devant les tribunaux américains pour des faits commis à l’étranger. Ce revirement de jurisprudence permet la poursuite du procès intenté contre Nestlé, Archer Daniels Midland (ADM) et Cargill pour des faits remontant à 2005. Les multinationales sont accusées de s’être approvisionnées auprès de producteurs cacaoyers pratiquant le travail des enfants en Côte d’Ivoire. La Cour d’appel fédérale américaine s’était d’abord fondée sur une décision de la Cour suprême de 2013 qui ne permettait pas de telles poursuites. Mais la Cour fédérale de dernière instance en a décidé autrement en opérant un revirement de jurisprudence et en autorisant la procédure devant les juridictions américaines, malgré les arguments des sociétés contre l’application de l’Alien Tort Claims Act.

Le fléau du travail des enfants en Côte d’Ivoire

L’ouverture de ce procès contre les multinationales tire la sonnette d’alarme d’un système trop longtemps ignoré. En responsabilisant les entreprises donneuses d’ordres, on met fin à l’hypocrisie qui entoure ces filières et on peut enfin prendre le problème à sa source. La Côte d’Ivoire est le premier exportateur mondial de cacao avec plus de 40 % de la production mondiale. Une production qui nécessite une main d’œuvre bon marché, soumise à des conditions de travail très dures, ce que les sociétés-mères ne peuvent ignorer. Le gouvernement n’a cependant pas attendu la justice américaine pour s’emparer de la question de la responsabilité pénale des producteurs. Depuis 2013, les poursuites judiciaires à l’encontre d’exploitants d’enfants dans les plantations cacaoyères se sont multipliées. Selon les chiffres communiqués par Yao Sylvie, secrétaire exécutive du Comité de lutte contre la traite et l’exploitation des enfants, sur ces deux dernières années, 41 personnes ont été déférées à la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan pour des faits liés à la traite des enfants, 18 autres condamnées et 30 trafiquants arrêtés.

Un besoin de coordination internationale

Mais seul, le gouvernement ivoirien peine à faire face à ce fléau qui repose en grande partie sur des filiales transfrontières clandestines d’acheminement d’enfants en provenance des pays voisins. En juin 2015, 48 enfants ont pu être sauvés grâce à la coordination d’Interpol. Un sauvetage qui a mis en lumière les conditions de travail indignes de la production de cacao, des « conditions extrêmes, particulièrement dangereuses pour leur santé » selon le communiqué officiel d’Interpol. Parmi les enfants sauvés, certains étaient « employés dans les champs depuis un an » et travaillaient « régulièrement de longues heures chaque jour sans recevoir ni salaire, ni éducation ». L’Afrique détient le triste record du taux le plus élevé de travail des enfants dans le monde, au détriment de leur scolarisation. Plus de 56 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans – soit un jeune sur trois – n’ont pas achevé leur scolarité primaire en Afrique subsaharienne.

Dominique Nouvian veut des enfants « acteurs » au sein de la société

L’action du gouvernement ivoirien est appuyée par celle d’ONG sur le terrain, au jour le jour. Parmi elles, Children of Africa, la plus ancienne et la plus notable par son envergure. Créée en 1998 par Dominique Nouvian, la fondation intervient en soutien concret – logistique et matériel – pour permettre aux enfants les plus défavorisés d’avoir accès à l’éducation. Dans un pays où les infrastructures et les transports sont encore trop peu développés, il est souvent compliqué pour les enfants de se rendre à l’école. Or les enfants seraient entre 6 et 10 millions sur une population totale légèrement supérieure à 20 millions de personnes. Children of Africa s’est engagée à amener l’éducation aux enfants, à défaut de faire l’inverse, en créant des bibliobus, en finançant des écoles rurales et en livrant des kits scolaires (manuels et uniformes) dans les régions les plus reculées. « Nous devons faire tout ce qui est possible pour nourrir, soutenir et aider nos enfants à vivre une vie saine et en bonne santé, et grandir avec une éducation qui va leur permette d’être des acteurs importants dans la société » explique la Première dame, engagée de longue date pour le développement et l’éducation de la jeunesse de son pays.

Egalement à la tête du Comité national de surveillance contre la traite et le travail des enfants, Dominique Nouvian a présenté le nouveau plan national de lutte contre les pires formes de travail des enfants. « Un autre volet du plan d’action national 2015-2017 sera la prise en charge des enfants victimes en complément à la sensibilisation et à la répression avec la construction de centres d’accueil » a indiqué la Première dame. Le précédent plan national avait permis de sauver 4 000 enfants de l’exploitation. Des résultats encore trop timides face au chiffre avancé par la fondation Initiative internationale pour le cacao (ICI), qui estime qu’entre 300 000 et un million d’enfants travaillent dans le cacao ivoirien.

 

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