À quelques jours du premier tour des élections présidentielles à Djibouti, la réélection d’Ismail Omar Guelleh ne fait aucun doute. Pour s’assurer un quatrième mandat, le président djiboutien a multiplié les actes de répression, plongeant le pays dans un chaos social et démocratique.
« Candidat de chaque Djiboutien qui espère », Ismail Omar Guelleh (IOG) n’a pas eu besoin de faire preuve de beaucoup de créativité pour choisir son slogan de campagne. À 68 ans et après 17 années au pouvoir, le chef de l’État djiboutien aborde le premier tour des élections présidentielles avec l’assurance d’un succès acquis d’avance. Et pour cause : au terme d’un troisième mandat rendu possible par une réforme constitutionnelle votée à l’unanimité par le Parlement en 2010, le candidat tout trouvé de l’Union pour la majorité présidentielle (UMP) a réussi à semer la zizanie au sein de l’opposition, qui ne présente aucun candidat commun au scrutin du 8 avril.
Preuve du profond dépit dans le camp adverse, deux partis de l’opposition appellent même au boycott des élections. Ils dénoncent l’absence d’une nouvelle commission électorale indépendante (CENI), qui devait pourtant voir le jour conformément à l’accord-cadre signé avec le gouvernement fin 2014. Quant aux cinq candidats qui se présentent face au président sortant ‒ deux de l’opposition et trois indépendants ‒, leur défaite semble inéluctable tant l’emprise d’IOG est totale sur le pays.
Violences meurtrières et arrestations abusives
Ismail Omar Guelleh aurait également étouffé toute critique des militants comme de la presse à travers une campagne de répression exacerbée depuis plusieurs mois. Le 20 novembre 2015, plusieurs journalistes et militants ont été arrêtés lors d’un meeting organisé par l’USN, qui a ravivé de tragiques souvenirs. En février 2011, quelques semaines avant les élections présidentielles, deux personnes avaient trouvé la mort lors d’un rassemblement pacifique. Deux ans plus tard, huit autres perdaient la vie à la suite d’une manifestation de protestation contre les résultats des élections législatives, ponctuée par plus de 900 arrestations.
Le 27 décembre dernier, entre 9 et 34 civils ont été tués en périphérie de Djibouti au cours d’affrontements avec les forces de l’ordre. A la suite de ces violences, Omar Ali Ewado, fondateur de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH), a été condamné à trois mois de prison ferme pour diffamation pour avoir publié une liste de victimes plus importante (27 morts) que celle du bilan officiel (9 morts). Début janvier, deux journalistes de L’Aurore et de La Voix de Djibouti ont également été arrêtés et détenus de manière abusive, la publication du quotidien ayant même été suspendue pendant deux mois.
Silence de la communauté internationale
Pour justifier ces atteintes aux libertés individuelles, le gouvernement invoque un état d’urgence imposé après les attentats de Paris et de Bamako. 170e pays sur 180 dans le classement 2015 de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, la République de Djibouti s’est enfoncée progressivement dans une dictature qui ne dit pas son nom. En 2005, IOG a été réélu avec 100 % des voix faute de concurrent, puis avec 79 % des suffrages en 2011 face à un candidat jugé factice par l’opposition. Jurant qu’il ne se représenterait pas en 2016, le chef d’État a finalement accepté de « se plier à [la] volonté [des Djiboutiens] en acceptant de briguer un nouveau mandat ».
Si la communauté internationale reste silencieuse, c’est parce que la situation stratégique de Djibouti ‒ où la France, les États-Unis, le Japon et bientôt la Chine possèdent des bases militaires ‒ et la peur de l’inconnu incitent à la complaisance. En parallèle, 79,4 % des Djiboutiens vivent sous le seuil de pauvreté.
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