Monténégro : victoire en demi-teinte pour le parti du Premier ministre aux législatives

Monténégro : victoire en demi-teinte pour le parti du Premier ministre aux législatives

Alors qu’il est sorti en tête des urnes, dimanche 16 octobre dernier, c’est une victoire toute relative qu’a remportée le parti de Milo Djukanovic, le Premier ministre monténégrin. Si, avec 40 % des suffrages, le DPS devance largement le principal parti d’opposition, le Front démocratique, crédité de 20 % de voix, le « nouveau » gouvernement a encore tout a prouvé dans un pays régulièrement accusé de corruption et de discrimination ethnique.

Pour Milo Djukanovic, Premier ministre monténégrin, le résultat des législatives qui se sont tenues dimanche 16 octobre est tout sauf un succès. Crédité de 36 sièges sur 81, son parti politique, le DPS (Parti démocrate des socialistes) ne disposera au mieux que d’une majorité d’un ou deux députés grâce au soutien de ses alliés, les députés des minorités albanaise, croate et bosniaque. De leur côté, les trois principaux partis d’opposition disposent d’autant de sièges que le DPS, et pourraient même obtenir la majorité grâce au soutien des sociaux-démocrates du SDP.

De plus, il est permis de se demander si le résultat électoral ne risque pas d’aggraver la situation de ce petit pays balkanique (640 000 habitants). Car dix ans après la restauration de son indépendance, le Monténégro n’a toujours pas connu d’alternance politique. M. Djukanovic, 54 ans, s’accroche au pouvoir depuis 1991. Plusieurs fois Premier ministre et une fois président de la République, il est le plus ancien chef de gouvernement en activité en Europe, ce qui lui vaut d’être accusé d’autoritarisme et de verrouiller le processus électoral.

« Régime autoritaire et corrompu »

Afin de parer aux critiques, Milo Djukanovic avait décidé d’ouvrir la porte du gouvernement à l’opposition en mai dernier. Mais les Monténégrins demeuraient sceptiques face à ce geste de générosité politique, 61 % d’entre eux continuant à mettre en doute la régularité des élections. Pour les principaux partis d’opposition, la stratégie d’ouverture n’aura finalement été qu’une manœuvre visant à verrouiller davantage le pouvoir avant les législatives.

De son côté, le Front démocratique (FD) n’a jamais cru à la sincérité d’une telle stratégie. Pour le patron du parti, Nebojsa Medojevic, « ceux qui acceptent de rejoindre Djukanovic ne font qu’aider la survie d’un régime autoritaire et corrompu ». Un point de vue qui semble avoir été confirmé par le geste de l’URA (centre gauche), qui a décidé de quitter la coalition en juillet dernier, alléguant une grave violation de l’accord par le parti du Premier ministre.

Si la démocratie n’est pas le point fort du régime monténégrin, le respect de la liberté d’expression est également problématique. Alors que Human Rights Watch (HRW) s’inquiète du rétrécissement de l’espace de liberté accordé aux journalistes, le Monténégro occupe la 106e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF). Les deux ONG dénoncent en particulier la détention du journaliste Jovo Martinovic, maintenu en détention provisoire depuis plus d’un an « à la suite d’accusations peu crédibles de trafic de stupéfiants », selon HRW.

La qualité des enquêtes de Jovo Martinovic est pourtant unanimement reconnue par ses confrères locaux et étrangers. Mais le pouvoir monténégrin ne partage pas l’enthousiasme suscité par les travaux du journaliste, qui portent essentiellement sur la corruption, la criminalité organisée et les crimes de guerre perpétrés dans les Balkans. Des problèmes qui commencent pourtant à être bien connus, puisque le Parlement européen les a mentionnés en 2011 comme étant les principaux obstacles à l’adhésion du Monténégro à l’Union européenne (UE).

« Problèmes de discrimination fréquente »

En effet, la corruption reste « très répandue dans de nombreux domaines » et « constitue un grave problème ». Le Parlement européen signale en particulier les secteurs de la construction, de la privatisation et des marchés publics, mais d’autres secteurs sont également concernés. Les problèmes liés à la criminalité organisée, le blanchiment d’argent et la contrebande sont également mis en avant par les institutions européennes. Celles-ci remarquent qu’il est particulièrement difficile de se procurer des informations qui pourraient révéler des cas de corruption dans le pays.

La situation des minorités est le troisième grand obstacle aux ambitions monténégrines, candidat à une adhésion à l’OTAN depuis 2009 et à l’UE depuis 2012. Si le Parlement européen salue les bonnes relations interethniques, il constate que les communautés rom, ashkali et égyptienne « sont toujours confrontées à des problèmes de discrimination fréquente ».

Milo Djukanovic profitera-t-il des résultats des législatives de dimanche pour s’attaquer enfin à ces problèmes et faire le nécessaire pour intégrer l’UE et l’OTAN ? La question reste pour l’instant ouverte, mais il est peu probable qu’un changement radical intervienne après 25 ans de pouvoir. Par la voix de Federica Mogherini, Haute-représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Bruxelles a d’ailleurs affirmé qu’elle conduirait des investigations pour mettre au jour les éventuelles fraudes électorales dont ce serait rendu coupable le parti au pouvoir. La victoire de dimanche dernier est définitivement toute relative.

 

Crédits photo : Prelevic/AFP

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