Sérieusement recadré, voire sanctionné par les grandes métropoles, Airbnb tente de redorer son image en surfant sur la vague de la solidarité et du collaboratif. Mais le géant de la location entre particuliers affiche une vision très personnelle du « collaboratif », notamment au regard de son processus d’optimisation fiscale et de sa tendance à ne pas venir en aide à ses utilisateurs.
Offrir une solution d’hébergement temporaire à des milliers de migrants ? C’est l’ambition affichée par Airbnb avec le lancement le 7 juin dernier d’Open Homes, une plateforme d’hébergement pour réfugiés politiques et climatiques. Relié à son site principal, ce nouvel espace proposerait déjà, sur la base du volontariat, plus de 6 000 logements à travers le monde.
L’objectif de la startup californienne serait d’atteindre les 100 000 personnes hébergées gratuitement grâce à cet outil au cours des cinq prochaines années. Une manière pour Airbnb de montrer que collaboratif peut rimer avec solidarité, même si certains y voient là une pure opération de communication pour redorer une image largement ternie ces derniers mois.
Depuis son lancement en 2009, la jeune pousse a grandi trop vite, provoquant une concurrence jugée déloyale par les professionnels de l’hôtellerie et du tourisme ainsi qu’une dégradation du marché locatif pour les habitants des grandes villes. Malgré les restrictions imposées par de nombreuses métropoles en Europe et outre-Atlantique, Airbnb continue de flirter avec la loi, loin de l’exemplarité prônée par la plateforme. L’entreprise valorisée à 31 milliards de dollars en 2016 se montre ainsi beaucoup moins solidaire en matière fiscale.
Une éthique très discutable
Comme les autres géants d’internet, la filiale française d’Airbnb paie ses impôts en Irlande, où le taux d’imposition pour les sociétés n’est que de 12,5 % contre environ 30 % dans l’Hexagone. Une optimisation proche de l’évasion fiscale motivée, selon Emmanuel Marrill, directeur d’Airbnb France et Belgique, uniquement par le souci de créer des « synergies » et de faciliter les processus de paiement.
Et la récente condamnation de Google par le fisc italien à lui verser 300 millions d’euros pour avoir déclaré en Irlande les revenus générés en Italie ne semble pas avoir bouleversé la plateforme d’hébergement. Ni celle d’Apple à rembourser à Dublin la bagatelle de 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux touchés illicitement par la marque à la pomme entre 2003 et 2014…
Le code éthique d’Airbnb est également très questionnable en ce qui concerne ses relations avec ses utilisateurs. Fin 2016, un propriétaire londonien s’est retourné contre la « startup » après avoir retrouvé son appartement ravagé par ses locataires. Le préjudice était alors estimé à 7 500 euros. La plateforme lui a d’abord proposé un maigre dédommagement de 1 600 euros avant de lui offrir plus de 8 500 euros si celui-ci ne disait rien à la presse. Un deal refusé par l’hôte, qui n’a pas voulu laisser l’entreprise « s’en sortir comme ça ».
Non-assistance à personne en danger
La notion très personnelle du « collaboratif » chez Airbnb peut aussi tourner au drame, comme celui vécu par un jeune Américain de 19 ans à Madrid. Séquestré et violé par son hôte, il aurait pourtant pu être secouru à temps si le site avait accepté de divulguer l’adresse de la location. Mais malgré les appels désespérés de la mère de l’adolescent, tenue au courant par message de la tournure des événements, le service d’assistance lui a simplement communiqué le numéro de la police locale, qui renvoie à un répondeur en espagnol…
Ses autres tentatives de joindre Airbnb sont ensuite restées sans réponse… Et la plateforme de rappeler alors les mentions légales publiées sur son site, qui précisent que les usagers utilisent ses services « à [leurs] propres risques ». « Airbnb n’est pas dans l’obligation de vérifier les antécédents d’aucun membre ou s’il est enregistré comme délinquant sexuel. […] Vous êtes seul responsable de toutes vos communications et interactions avec d’autres utilisateurs du site ». A bon entendeur.
T. Couteau
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