Au Royaume-Uni, la chaîne d’information Al-Aarabiya vient de perdre sa licence de diffusion. Selon des informations dévoilées par l’agence de presse qatarie QNA, cette perte serait à attribuer à une enquête pour diffusion de fake news.
Les représentants saoudiens de la chaîne Al-Arabiya doivent ronger leur frein. Fin janvier, la chaîne arabe basée à Dubaï cédait sa licence de diffusion avec effet immédiat. Le sésame l’autorisait à émettre depuis le Royaume-Uni et aussi en direction de l’Europe. Un coup dur, donc. Si la chaîne a peu commenté cette perte lourde de conséquences, l’agence de presse qatarie QNA a quant à elle rapidement fait le lien avec une action en justice intentée à l’encontre de cette dernière. L’agence de presse avait en effet mandaté un cabinet d’avocats britannique dans l’objectif de faire condamner la chaîne saoudienne pour la diffusion de « fake news » qu’elle avait attribuées à l’organe de presse, alors même que ces dernières étaient connues comme parfaitement fausses.
Fake news et enquête bien officielle pour Al Arabiya
Car peu avant le début de la crise du Golfe, le Qatar avait fait l’objet d’un piratage informatique majeur de son agence de presse. A la suite de ce dernier, de fausses informations avaient été implantées au sein même de son site Web, sous la forme d’un article attribuant au dirigeant du Qatar des propos particulièrement virulents à l’encontre de ses voisins. Depuis, ces propos ont été invalidés par une enquête conjointe des services qataris et américains et l’article retiré. Malgré cela, la chaîne Al Arabiya avait continué d’attribuer ces propos à l’émir, déclenchant l’ire du petit émirat qui s’en était plaint à l’Ofcom, le gendarme de l’audiovisuel britannique.
Mais à peine l’autorité indépendante avait-elle commencé à enquêter qu’Al Arabiya aurait remis sa licence et cessé toute émission. La cession du précieux sésame aurait-elle eu pour but d’échapper à une sanction plus lourde ? C’est en tout cas ce que pense la QNA .« Le fait que la décision d’Al Arabiya de renoncer à sa licence intervienne peu après que l’Ofcom a annoncé qu’elle enquêtait sur la conduite du radiodiffuseur dans le cadre du piratage de mai 2017, invite la conclusion évidente qu’elle s’est sentie obligée d’éviter un examen plus approfondi de ses actions et la possibilité d’encourir des sanctions encore plus sévères en tant que récidiviste » déclare l’agence dans un communiqué officiel.
Du côté de la chaîne saoudienne, c’est le silence radio. Car malgré un démenti rapide des accusations de la QNA, force est de constater que la cession de licence a tout d’un aveu pour Al Arabiya, qui confirme sans justifier son départ des horizons télévisuels européens, alors même que ce dernier avait de grands projets pour l’Europe. Cette cession intervient en outre quelques jours seulement après qu’Al Arabiya a été condamnée à une amende aussi rare qu’élevée de 120 000 £ pour la diffusion d’extraits vidéos d’un militant bahreïni des droits de l’homme en prison, contre la volonté de ce dernier.
Cette décision, contraire aux principes déontologiques de l’Ofcom, avait déclenché l’ire du gendarme de l’audiovisuel qui avait condamné la chaîne saoudienne basée à Dubaï.
Crise du Golfe et bataille de l’information
La perte de licence d’Al Arabiya n’est qu’un épisode de plus dans la bataille de l’information que se livrent les pays du Golfe depuis juin 2017, depuis que l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn et l’Egypte ont mis en place un embargo strict à l’encontre du Qatar. Ainsi, de nombreuses fake news, il est vrai souvent dirigées à l’encontre de Doha, ont fleuré sur la toile. En août, la chaîne Al Arabiya avait ainsi annoncé un climat « contre-insurrectionnel » au Qatar et une atmosphère de guerre civile. En septembre, un tweet d’un responsable saoudien faisait état d’une allégeance supposée de l’Etat Islamique au Qatar. Dans les deux cas, les informations ont été invalidées par les experts sur place et Doha, mais celles-ci décrivent bien le climat de désinformation qui a cours dans la région et que The Intercept avait décrit dans un long article d’investigation.
La perte de diffusion d’Al Arabiya est un coup dur pour l’Arabie saoudite dans la lutte pour la légitimité qui se joue depuis le début de la crise diplomatique avec la Qatar. Ce dernier, pour l’instant, savoure son avantage. « Bien qu’Al Jazeera Media Network ait récemment fait l’objet de critiques ciblées de la part des quatre États bloquants, il convient de noter qu’Al Jazeera reste réglementé et licencié par Ofcom et travaille en étroite collaboration avec Ofcom et d’autres pour s’assurer que sa production est entièrement conforme au code de la radiodiffusion de l’Ofcom. Il a donc un excellent dossier de conformité à l’Ofcom. » précise, sibylline, la QNA dans son communiqué.
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