Alors que le pays s’enfonce jour après jour dans la violence, le président malien, Ibrahim Boubacar Keita, semble dépassé par la situation. Son principal opposant, Soumaïla Cissé, prône le dialogue et l’apaisement.
Un morbide décompte. Au Mali, pas un jour ne passe désormais sans son lot d’exactions, d’enlèvements, d’attaques meurtrières et de nouvelles victimes, le plus souvent civiles. Le 19 mai 2018, au moins douze civils ont été tués dans une localité du nord du pays, une zone tombée, en 2012, sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda. Les circonstances du drame restent à élucider, mais il semblerait que l’armée malienne soit impliquée dans un certain nombre de « bavures » mortelles.
La veille, ce sont dix-sept personnes qui avaient trouvé la mort après l’attaque perpétrée par un commando à la frontière avec le Niger. Les hommes, lourdement armés, ont tiré à vue juste avant la prière du vendredi. Une opération de représailles, deux semaines après une attaque qui avait fait seize morts parmi des touaregs maliens. Fin avril, une quarantaine de personnes, dont des enfants et des personnes âgées, avaient déjà succombé à une attaque ici encore dirigée contre une localité frontalière du Niger. Fin janvier, vingt-six civils mourraient dans l’explosion de leur bus sur une mine.
ONU : « l’insécurité continue à se développer » au Mali
L’heure est grave, et la multiplication des exactions a poussé l’ONU à réagir. L’insécurité au Mali « continue à se développer et gagne de façon progressive le centre du pays », affirme un récent rapport d’experts, remis aux quinze membres du Conseil de sécurité. Selon les Nations Unies, plusieurs signataires de l’accord politique de 2015 reconnaissent perdre de leur pouvoir : « de telles pertes de contrôle territorial, ajoutées à une fragmentation croissante des groupes armés en fonction de leurs ethnies (…) représentent aujourd’hui la plus grande menace à l’application de l’accord » d’Alger.
Ces tensions ne sont pas sans conséquences sur la vie quotidienne des Maliens. En dépit de l’accord de 2015, « la situation humanitaire dans le nord et le centre du pays reste volatile, instable et une détérioration continue persiste », s’alarment les auteurs du rapport. Qui estiment qu’à « travers le pays, environ 4,1 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire ». Les violences inter- communautaires et la menace djihadiste – plusieurs groupes auraient traversé la frontière depuis le Niger et le Burkina Faso – contribuent à plonger le Mali dans le chaos.
Violences et faiblesse de l’Etat favorisent le djihadisme
Créée à l’initiative de la France en 2014 et officiellement lancée en juin 2017, la force conjointe sous-régionale du G5 Sahel peine à obtenir des résultats. Regroupant la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, elle n’a pas empêché qu’au seul premier trimestre de l’année 2018, plus de 300 personnes aient été assassinées à la suite d’attaques terroristes dans les régions où sont basées ses troupes.
« Alors que la situation sécuritaire du Sahel continue de se détériorer, (…) la montée en puissante de la force conjointe ne progresse pas à la vitesse requise », a regretté Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU.
Le climat de violence et la faiblesse de l’Etat malien dans les zones frontalières constituent un terreau idéal pour les groupes djihadistes, dont les attaques redoublent d’intensité et d’audace. Certains d’entre-eux n’hésitent pas à s’attaquer à des camps de l’armée, comme le 27 janvier dernier, où une quinzaine de militaires maliens ont trouvé la mort. Le lendemain, quatre autre soldats perdaient la vie dans un attentat suicide dans le nord-est du pays.
Pour la directrice adjointe Afrique de l’ONG Human Rights Watch, Corinne Dufka, le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK) est le premier responsable de la situation : « Bamako refuse d’admettre que la mal-gouvernance est la principale racine des maux de la région. (…) Aucun des abus commis par les forces de l’ordre depuis 2013 n’a été jugé ». « Il faut renforcer le système judiciaire et mettre fin à cette culture de la mauvaise gouvernance, estime encore Corinne Dufka. La corruption doit être combattue non seulement au plus haut niveau, mais aussi au quotidien. (…) C’est avant tout au gouvernement malien de résoudre cette situation ».
Soumaïla Cissé prône le dialogue
Comment sortir de la spirale de la violence ? Pour le principal opposant au président IBK, Soumaïla Cissé, il faut « discuter avec les uns et les autres. Ce qui a manqué au Mali jusqu’à présent, c’est d’utiliser un dialogue réel pour que les gens se parlent ». « Je ne pense pas aujourd’hui que la solution soit les armes, (avec lesquelles) on va continuer à s’entretuer sans amener la paix ». « Il faut sortir par la bonne porte », conclut Cissé, selon qui « il faut (au Mali) un gouvernement qui est légitime, un président qui est élu, accepté et (à qui) on fait crédit pour trouver des solutions ». « L’élection présidentielle (qui se tiendra le 29 juillet 2018) est un bon moment pour ça ».
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