Au Zimbabwe, au Mali ou au Cameroun, en juillet ou en octobre, les électeurs sont appelés à voter pour élire leur nouveau président. Problème : l’opposition craint, comme souvent, que le pouvoir cherche à frauder pour se maintenir en place.
C’est à croire qu’il règne une étrange fatalité sur les élections africaines. Aujourd’hui comme hier. Et celle-ci porte un nom : la fraude électorale. D’année en année, les populations assistent impuissantes aux petites combines des régimes en place cherchant à tout prix à se maintenir. Pour perpétuer un règne au nom de l’ego, pour continuer d’asseoir un clan familial dans les plus hautes sphères de l’État. Peu importe. A l’arrivée, la démocratie, dont ils se réclament pourtant tous, n’a, dans bien des cas, jamais cessé d’être autre chose qu’un simple vernis, qui polit des institutions et des personnes globalement illégitimes. Mais ce ripolinage en règle fait bel et bien des victimes : les électeurs, qui ont perdu toute confiance en leurs représentants.
« Violence subtile » du pouvoir
Au Zimbabwe, par exemple, même lorsqu’il s’agit de tourner une page historique, les vieilles pratiques du pouvoir ne sont jamais bien loin. C’est au moment où la figure de Robert Mugabe, qui a quitté la présidence en novembre dernier après 37 ans de règne, s’apprête à être effacée que le passé ressurgit. Et, avec lui, l’éventualité des excès d’un régime politique auxquels les citoyens espéraient avoir échappé pour de bon. Le 30 juillet prochain, alors que les Zimbabwéens sont appelés aux urnes pour les premières élections générales depuis le départ de l’ancien chef de l’État, l’opposition politique redoute un scrutin truqué.
Robert Mugabe, ancien président du Zimbabwe
A ce petit jeu-là, toutes les armes sont bonnes pour modifier le cours normal d’une élection. Entre autres : des moyens alloués à l’opposition bien inférieurs à ceux du parti au pouvoir, des tentatives d’intimidations physiques des candidats aussi bien que des électeurs, et autres méthodes de chantage. Nelson Chamisa, principal opposant et candidat du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), de citer la « violence subtile » dont fait preuve le pouvoir pour contraindre la population à voter pour lui. Sa rengaine, selon la figure d’opposition ? « Si vous ne nous donnez pas votre voix, nous ne vous donnerons pas de nourriture ». Même pas sûr que la présence d’observateurs internationaux change la donne…
Fichier parallèle au Mali
Même son de cloche au Mali. D’après la BBC, l’opposition craint également que le réel vainqueur du scrutin présidentiel du 29 juillet ne soit la fraude électorale. Et, partant, le chef de l’État sortant, Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Pire, selon l’opposition malienne, relayée par le média britannique, il existerait un « double fichier électoral ». Alors que le fichier électoral officiel du Mali, selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) — qui l’a audité —, serait « suffisamment fiable pour permettre la tenue des élections générales de 2018 », l’équipe du candidat Soumaila Cissé de dénoncer la présence d’un second document, frauduleux et différent du premier. Qui pourrait entraîner un « huis clos de la fraude » selon Tiébélé Dramé, le directeur de campagne de M. Cissé.
Soumaïla Cissé, candidat de l’opposition malienne
« Nous sommes au regret de constater qu’il y a 275 761 doublons d’électeurs dans le fichier mis en ligne », a précisé ce dernier. « Pour nous, la responsabilité du gouvernement est entachée de ce qui s’apparente à une vaste tentative de fraude tendant à prendre en otage le vote du peuple malien ». En plus de ces doublons, l’équipe du principal adversaire du président sortant aurait également déniché près de mille « bureaux de vote additionnels » mis en place par le clan IBK. Et tandis que le scrutin de dimanche prochain doit se tenir sous la surveillance d’observateurs internationaux, M. Dramé de regretter les manœuvres du pouvoir pour les empêcher de pénétrer dans les centres de compilation des résultats.
Goût pour le luxe
Au Cameroun, enfin, l’élection présidentielle vient d’être fixée au 7 octobre prochain. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les citoyens n’affichent pas non plus une grande confiance dans le déroulé du scrutin. Et pour cause : lors des sénatoriales du 25 mars dernier, de nombreux cas de fraude ont été relevés par les journalistes, dont certains ont affirmé avoir été intimidés par le pouvoir pour taire leurs informations. « On a par exemple noté de l’abus de pouvoir chez certaines autorités administratives, mais aussi chez certains représentants des forces de l’ordre, qui sont intervenus à l’encontre de la loi électorale », affirme Serge Mboumegne, président de l’Association internationale Kofi Annan, qui a également relevé « la fermeture de bureaux de vote avant l’heure légale ».
Quand il s’agit d’être réélu, rien ne semble arrêter ces dirigeants épris du pouvoir. Qui, une fois mis sur la touche, se retrouveraient bien mal en point, après des années de malversations en tout genre. Une question demeure : les observateurs internationaux et les principaux touchés, à savoir les électeurs africains, se laisseront-ils éternellement faire ?
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