Les contentieux internationaux avec la Chine s’aggravent

Les contentieux internationaux avec la Chine s’aggravent

Hong Kong, Taïwan, Mer de Chine, espionnage et vol de technologie, traitement inhumain des populations de Ouïghours… Souvent pointée du doigt, la Chine se trouve en bien mauvaise posture sur la scène internationale. Ces derniers mois les « dossiers » à son encontre s’alourdissent, indépendamment de la crise du coronavirus. Des points de tension qui ne concernent pas seulement ses relations tumultueuses avec les États-Unis, et qui ne s’expliquent pas nécessairement par sa position de challenger d’une première puissance mondiale inquiète.

Les tensions avec la Chine ne sont pas nouvelles mais prennent une tournure plus inquiétante pour le Parti communiste chinois. Ce ne sont pas les États-Unis en pleine campagne électorale qui vont souhaiter voir ailleurs, bien au contraire. L’hostilité entre les deux puissances concurrentes ne date pas de Donald Trump, et elle est largement partagée par le camp démocrate. Le « pivot asiatique » des préoccupations stratégiques américaines a bien été entamé par Barack Obama, avec les mêmes préoccupations stratégiques, politiques et bien-sûr économiques.

Alors que la Chine s’affirme de façon croissante dans son environnement régional au niveau politique, territorial et militaire, l’équipe de Donald Trump ne ménage pas ses efforts pour le dénoncer. Alors que personne ne souhaite une guerre ouverte, certains parlent d’une « guerre froide », certes pas nouvelle, mais qui plus que jamais se place au premier plan. La Chine comme les États-Unis travaillent mutuellement à se marginaliser, s’entraver, se diviser. Toutefois les alliés de la Chine sont bien rares, tandis que Washington rallie sous sa bannière des pays amis inquiets.

Hong Kong et Taïwan face à la menace d’une main de fer

A l’historique dossier chaud taïwanais, il faut désormais ajouter l’actualité brûlante hongkongaise. La promulgation le 30 juin dernier de la loi sur la sécurité, qui vise à supprimer toute opposition au PC chinois et mettre un terme au principe « Un pays, deux systèmes », provoque des remous à Hong Kong comme à l’international.

En guise de représailles le président américain avait le mois dernier supprimé le régime économique préférentiel dont bénéficiait l’ancien territoire autonome. Des sanctions visent désormais des responsables chinois et hongkongais, dont la chef de l’exécutif Carrie Lam, inféodée à Pékin. En réponse à l’activisme américain, les autorités chinoises ont à leur tour annoncé en début de semaine des sanctions contre onze responsables américains, dont les sénateurs républicains de Floride et du Texas… ainsi que le directeur exécutif de l’ONG Human Rights Watch.

Alors que l’opposition accuse le coup à Hong Kong, cette semaine le pouvoir chinois a faire arrêter dix personnes, dont l’important patron de presse Jimmy Lai et la jeune figure du mouvement pour la démocratie Agnes Chow. Des arrestations faites au nom de soupçons de « collusion avec des forces étrangères » et « incitation à la sécession ». Après la perquisition par deux cents policiers de la rédaction du journal Apple Daily (tiré exceptionnellement hier à 550.000 exemplaires), le patron critique envers Pékin a été libéré sous caution mardi soir.

Quant à Taïwan (lire notre article « Taïwan réaffirme sa volonté de « coexister » avec la Chine »), le soutien américain se fait manifeste davantage. La présidente taïwanaise Tsai Ing-wen a reçu cette semaine le secrétaire américain à la Santé Alex Azar, malgré les protestations des autorités chinoises. Il s’agit du responsable américain de plus haut rang qui se rend sur l’île rebelle depuis 1979. Le ministre des Affaires étrangères taïwanais, Joseph Wu, lui a confié ses craintes que Taïwan devienne « le prochain Hong Kong », car « la Chine continue de faire pression pour que nous acceptions ses conditions politiques ».

Disputes territoriales en Mer de Chine, du Vietnam au Japon

La Chine inquiète également en Mer de Chine méridionale, qui est bordée par dix États. Sept d’entre eux revendiquent une partie ou la totalité de l’espace maritime, des revendications croisées qui se heurtent d’abord aux croissantes velléités chinoises de contrôle. Une attitude souvent perçue comme agressive par les voisins de la Chine (notamment le Vietnam, les Philippines et la Malaisie) et qui se caractérise « par une multiplication des démonstrations de puissance, des revendications territoriales maritimes illégitimes et parfois des provocations », écrivent des spécialistes des relations internationales dans le dossier « Tensions en Mer de Chine » du magazine Diplomatie (janvier-février 2017). Cependant, malgré des préoccupations communes, les pays d’Asie du sud-est peinent à présenter un front diplomatique uni face à l’appétit du géant chinois.

Sur ce dossier brûlant, Washington se positionne contre Pékin et défend une région indo-pacifique « ouverte et libre », afin de maintenir son influence régionale, d’être présent aux côtés de ses alliés et de garantir le respect des normes internationales. Sur ce front les États-Unis sont rejoints par l’Australie, qui a également dénoncé le non-respect chinois de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (dite de Montego Bay ; 1982). Si l’Australie affirme souhaiter des relations amicales avec la Chine, elle accroît sa coopération militaires avec les États-Unis et a augmenté son budget de défense de 40 % pour la décennie 2020-2030.

Dans la région le Japon se réarme également dans un but défensif, comme seul le permet sa Constitution. Avec pour objectif de faire face à la menace nord-coréenne ainsi qu’aux incursions chinoises dans ses eaux territoriales, autour des îles Senkaku-Diaoyu disputées par Pékin. Tokyo a ainsi acheté le mois dernier à Washington cent cinq avions de combat de dernière génération F-35, pour un montant de 23 milliards de dollars.

De l’humain à la technologie, la Chine perçue comme une menace

L’Australie s’est également attirée la colère de la Chine en la critiquant au sujet de la pandémie de Covid-19 et en décidant de mettre en place la 5G sans Huawei (lire notre article), fournisseur d’équipements accusé d’espionnage. Un dossier que connaît bien le Canada qui a arrêté pour fraude en 2018 la directrice financière de Huawei, et qui subit des pressions tant de Pékin que de Washington. Ottawa n’a en effet pas encore décidé si le pays se passerait de la 5G par Huawei, comme l’ont fait par exemple la Grande-Bretagne et la Nouvelle Zélande.

C’est dans ce contexte de suspicions et d’accusations que Washington a fait fermer cet été le consulat chinois de Houston. En représailles la Chine a fait de même avec le consulat américain de Chengdu. La querelle technologique s’est aggravée ce mois-ci avec le décret signé par Donald Trump visant à interdire l’application de smartphone TikTok ainsi que la plateforme WeChat, accusées de voler les données personnelles de ses utilisateurs. A moins que l’application ludique ne soit rachetée par un groupe américain comme Microsoft… ce qui n’est pas encore gagné.

Côté humain – et c’est ce qui choque le plus les pays européens – la question ouïghoure commence à devenir encombrante pour Pékin. La minorité musulmane est la cible de persécutions d’État, elle est détenue dans des camps, soumise à des travaux obligatoires, et est même la cible des stérilisations forcées. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a qualifié la situation d’« inacceptable » et a réclamé fin juillet l’envoi d’observateurs indépendants internationaux. Ce que refuse bien-sûr Pékin qui défend des « centres de formation professionnelle ». Nier la réalité de certaines de ses politiques ne suffira certainement pas à la Chine pour se faire entendre et comprendre par une partie de la communauté internationale de plus en plus nerveuse à son contact.

Gaëtan Mortier

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