Élections législatives au Kazakhstan : les observateurs européens unanimes

Élections législatives au Kazakhstan : les observateurs européens unanimes

Plusieurs centaines d’observateurs et journalistes étrangers ont suivi le déroulé des élections législatives du 10 janvier 2021 au Kazakhstan. Si les Russes, Chinois et représentants des sphères turques et islamiques tenaient le haut du pavé, plusieurs dizaines d’Européens étaient aussi présents. Témoignages.

Jérôme Lambert

L’ancien député socialiste rattaché au groupe Nouvelle gauche de la 3e circonscription de la Charente faisait partie des parlementaires occidentaux invités par le gouvernement kazakhstanais pour observer le déroulé des élections. Il a déjà été observateur dans d’autres pays. Il est également petit-neveu de l’ancien Président de la République, François Mitterrand.

« Je suis allé dans plusieurs bureaux de vote tout au long de la journée de dimanche : Dans tous les bureaux de vote, je suis arrivé sans prévenir que j’arrivais.

On peut imaginer que c’est du cinéma, mais moi ce que j’ai vu est tout à fait dans la norme occidentale. Les électeurs se rendent dans le bureau de vote dans lequel ils sont inscrits, ils présentent une pièce d’identité et on leur donne un bulletin de vote, pas comme aux États-Unis. Je peux attester n’avoir vu personne avec une baïonnette dans le dos, que les gens se rendaient dans l’isoloir où manifestement ils cochaient la case de leur choix, je n’ai pas vu de gens qui n’y allaient pas, ils pliaient tous le papier de leur bulletin de vote et le mettait dans l’urne.Maintenant, je n’ai pas assisté au dépouillement, ni à la campagne électorale, mais sur la non présence de la véritable opposition, je suis circonspect. L’opposition, souvent, dans le monde, représente 20, 30, 40 % de la population, rarement plus. Ici, on est clairement dans l’étiage.

Quant à l’absence du parti qui a appelé au boycott des élections, on ne va pas leur donner des leçons sans fin, car chez nous, c’est la barre des 5 % qui déclenche le financement public de la campagne électorale. Ok c’est très mal, la barre ici est à 7%…  

En fait, je ne me suis pas trop posé la question de savoir si les élections sont démocratiques ou non : quand vous avez 5 ou 6 partis qui sont en capacité de présenter des candidats, ils ont forcément des propositions différentes à faire aux électeurs ! Bien sûr qu’il y a beaucoup plus de choses qui les rassemble que de choses qui les divise. Mais c’est encore une jeune démocratie.

En réalité, on ne peut pas dire que d’un côté c’est la démocratie parfaite, et de l’autre c’est une parodie de démocratie. Je ne leur jetterai pas la première pierre.

D’ailleurs, quand on leur parle de ça, ils n’esquivent pas les questions. Ils sont convaincus de ce qu’ils nous disent. Au final, on peut toujours donner des leçons de démocratie aux autres, mais il faut aussi savoir balayer devant sa porte. »

Urs Unkauf

Conseiller diplomatique de l’ONG Bundesverband für Wirtschaftforderüng and Aussenwirtschaft. Il est venu au Kazakhstan à l’occasion des élections, pays qu’il connaissait déjà auparavant, son ONG travaillant sur des sujets de développement économique dans la région. Il est par ailleurs conseiller diplomatique d’un député SPD au Bundestag allemand.

« Je suis choqué, car beaucoup de soi-disant experts qui ne sont jamais venus ici au Kazakhstan on dit que ce n’était pas une élection démocratique. Et pourtant, le simple fait que le parti majoritaire a perdu un nombre significatif de voix par rapport à la dernière élection législatives est un fait qui m’impressionne.

Mais en réalité, la question qu’il faut se poser en premier, c’est : quels sont les critères d’évaluation d’une élection démocratique ?  Ici, nous avons une élection aux standards internationaux, avec une législation nationale et un code électoral.

 Personnellement j’ai visité sept bureaux de vote et j’ai vu partout un processus électoral en tout point identique voir même supérieur à ce qui se pratique en Europe.

Le fait de dire que les élections ne sont pas démocratiques ici est en fait une habitude propre aux élites politiques d’Europe occidentale, qui ont développé une attitude très offensive de projeter leur vision de la démocratie sur d’autres pays. Seulement voilà : les autres pays ont leur propre histoire, leur propre expérience politique et leur propre mentalité !

En Occident on pense que le fait qu’il y ait beaucoup de partis est un signe de bonne santé de la démocratie, et le fait que « seuls » cinq participent aux élections permet à certains experts occidentaux de dire que le Kazakhstan n’est pas au niveau. Mais ces mêmes experts vivent pour certains dans des pays où les députés sont élus au suffrage majoritaire, et où seuls deux et rarement trois partis politiques se partagent jusqu’à 99% des sièges, indépendamment des suffrages exprimés !

Pour bien comprendre ce que je viens de dire, je voudrais vous donner quelques exemples : cette semaine le ministre des affaires étrangères allemand, Heiko Maas, a dit qu’il fallait mettre en place un plan Marshall pour sauver la démocratie aux États-Unis, après les événements dont nous avons tous été témoin, et alors qu’une crise profonde secoue le système politique américain. Mais soyons raisonnables : les États-Unis ont-ils vraiment besoin de l’Europe et d’un « plan Marshall démocratique » initié par nous pour s’en sortir ?

Autre exemple : nous avons un acteur en Allemagne qui s’appelle Michael Wendler. Dernièrement, il a dit sur RTL (Allemagne) que les mesures prises pour contrer le coronavirus étaient comme un camp de concentration. Résultat : depuis cette déclaration, il est banni des médias allemands, et les images où son visage figure lorsqu’il participe par exemple au jury d’une émission de télévision sont pixélisées !

Et bien sûr, il y a maintenant l’exemple de Trump banni de Twitter. Qui sommes-nous donc pour donner des leçons de démocratie ?  

Il y a une différence énorme entre la perception de la réalité, de loin et la réalité une fois sur le terrain. Il faut aller dans un pays pour se faire une idée juste sur lui. On calque sur le Kazakhstan l’image de l’ancien bloc de l’Est, lorsque le mur était encore debout et que de l’autre côté du mur, les républiques socialistes simulaient la démocratie avec des vrais faux partis politiques sous la coupe du Parti Communiste.  Cela n’a rien à voir avec ce qui se passe ici. 

D’ailleurs, moi aussi, quand je vois les mesures qui sont prises en Allemagne et en Europe en général pour lutter contre le coronavirus, et comment le problème est géré ici, j’ai envie de dire « ich bin ein Kazakhstaner« .

A ce sujet, il est prévu des élections au Bundestag (Parlement) en septembre prochain, en Allemagne. Or, en fin d’année dernière, un service du Bundestag a évalué juridiquement la possibilité de tenir les élections plus tard. Au Kazakhstan, il n’a pas été envisagé à un seul moment de déplacer les élections malgré le coronavirus, alors qu’en Allemagne on envisage sérieusement de reporter les élections législatives jusqu’en septembre 2023 si la situation ne s’améliore pas. 

En fait, Il est clair que le Kazakhstan est totalement sorti du système soviétique. C’est une démocratie encore jeune et les réformes politiques de libéralisation se succèdent.

A titre d’exemple, l’an dernier une nouvelle loi électorale a imposé que les listes comprennent un pourcentage minimum de 30 % de femmes et de jeunes de moins de 29 ans. Ça, c’est clairement une mesure radicale destinée à améliorer la représentation de la société au parlement, mais aussi à pousser vers la sortie l’ancienne garde politique. C’est un processus de remplacement des élites initié par le gouvernement parce qu’ils ont entendu que la modernisation du pays ne se ferait pas seulement par l’économie mais aussi par la politique.

Il est certain que les réformes politiques vont continuer et la législature qui va prendre ses fonctions cette semaine va participer au changement.

Maintenant, au-delà des élections qui viennent d’avoir lieu, j’espère que les gouvernements en Europe vont reconnaître que la société kazakhstanaise se libéralise, et que le Kazakhstan va prendre une place de force régionale majeure en Asie centrale.

Thierry Mariani

Ancien ministre des Transports sous Nicolas Sarkozy, Député européen du Rassemblement national, et ancien président de l’alliance parlementaire franco-kazakhstanaise. C’est son vingtième voyage dans le pays.

« Tout d’abord, J’ai pris une leçon d’organisation technique et sanitaire pour cette élection dans tous les bureaux de vote où je me suis rendu ils étaient équipés comme dans des laboratoires de haute sécurité, avec des combinaisons intégrales, des gants, des visières et des gants, et bien sûr des masques ! A l’entrée du bureau de vote, la prise de température est systématique. Sur ce plan là, déjà, nous ne sommes pas au niveau, alors qu’au Kazakhstan, par grand froid avec la pandémie, le scrutin s’est déroulé dans des conditions irréprochables. A aucun moment ils n’ont envisagé de décaler les élections.

Ensuite, bien entendu, j’ai vu le communiqué de l’OSCE qui est de plus en plus téléguidée par des ONG parfaitement orientées, manipulées notamment par un oligarque qui est plus un escroc qu’un homme politique Ces ONG passent leur temps à dénigrer le pays avec son appui financier. Je suis venu une vingtaine de fois dans le pays et je peux vous dire que c’est un pays jeune et exemplaire qui va fêter son trentième anniversaire cette année. Il a accompli en trente ans, sans tensions, sans guerres frontalières des progrès extraordinaires.

Je suis impressionné par un programme mis en place depuis plusieurs années par l’ancien président, le programme Bolashak (« avenir » en kazakh) , qui est un sorte d’Erasmus en mieux. Chaque année, il permet d’envoyer plusieurs milliers d’étudiants se former dans les plus grandes facultés d’Europe, des États-Unis ou de Chine, avec l’obligation de revenir travailler dans le pays pendant au moins cinq ans. Je trouve cela parfaitement normal, puisque c’est l’État qui paye pour les envoyer à l’étranger ! Résultat, ils ont des cadres formés par les plus grandes universités du monde entier, qui sont aujourd’hui aux commandes partout dans le pays. Des jeunes cadres dynamiques qui, forcément, emportent dans leurs valises ce qu’ils ont connu en Occident. 

En réalité, il faut bien comprendre que ce n’est pas facile d’être kazakhstanais avec deux voisins puissants qui s’appellent la Chine et la Russie. Or, le Kazakhstan a réussi à maintenir une certaine distance avec la Chine sans se jeter dans les bras des États-Unis, en gardant des liens forts avec la Russie. C’est un équilibre difficile, qui fait bien évidemment de ce pays une cible.

Le Kazakhstan aurait donné a gérer ses richesses à de grandes entreprises américaines, il n’aurait pas de problème. En fait, il y a presque de la politique gaullienne dans ce  qu’on fait Nazarbaïev et maintenant Tokayev. D’ailleurs ce n’est sans doute pas totalement un hasard s’il y a une statue du général de Gaulle à Nur Sultan et très souvent les officiels d’ici le citent en exemple. »

 

Propos recueillis à Nur Sultan le lundi 11 janvier 2020 par Jean-Baptiste Giraud , PolitiqueMatin.fr

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