Détentions arbitraires, violences de masses, poursuite des opposants politiques… La répression menée par Alpha Condé à l’encontre de ses opposants politiques s’est amplifiée depuis quelques mois. Des pratiques peu légitimes qui sont devenues monnaie courante. Et c’est sans compter sur l’interdiction de voyager de certaines personnalités politiques, à l’instar de Cellou Dalein Diallo.
La traque des opposants politiques
400, c’est le nombre de personnes supplémentaires emprisonnées en Guinée depuis octobre dernier, des détenus politiques pour la plupart. Leur crime ? Avoir participé aux manifestations post-électorales. Des arrestations qualifiées d’”arbitraires” par les défenseurs des droits de l’Homme. Le 18 octobre, grâce à la modification de la Constitution, Alpha Condé est réélu président de la République guinéenne, et ce pour un troisième mandat largement contesté par l’opposition.
Les semaines qui ont suivi le scrutin n’ont pas épargné les opposants : arrestations infondées, violences meurtrières ou encore vagues massives d’emprisonnements, tous les moyens sont bons pour Alpha Condé pour conserver les rênes du pouvoir. “Depuis l’élection, les forces de l’ordre ont fait un usage excessif de la force, tuant par balles plus d’une dizaine de personnes et arrêtant des centaines d’autres lors de manifestations ou d’opérations de police dans les quartiers perçus comme favorables à l’opposition”, dénonce Amnesty International.
Et des hauts responsables politiques de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée), le principal parti d’opposition, figurent parmi les détenus : Ibrahima Chérif Bah (vice-président), Ousmane “Gaoual” Diallo (ancien député et ex-porte-parole du candidat du parti à la présidentielle), Abdoulaye Bah (ancien maire de Kindia) ou encore Mamadou Cellou Baldé (coordinateur des fédérations de l’intérieur). Tous les rangs de l’opposition sont concernés par ces arrestations de masse.
Une vérité que refuse de reconnaître Alpha Condé, qui déclarait le 24 février dernier, lors de la cérémonie d’ouverture du Guinea Investment Forum à Conakry : “La Guinée a fait d’énormes progrès sur le plan des droits humains. Mais on continue toujours de nous considérer comme avant. Les pays qu’on dit démocratiques en Afrique, mettent leurs opposants en prison ? Nous, on n’a jamais mis des opposants en prison. Les gens qui sont en prison ne sont pas des hommes politiques”.
Des conditions de détention inhumaines
Dans un rapport publié en février, Amnesty International dénonce les conditions abominables dans lesquelles sont détenus les prisonniers. Manque de place, absence d’hygiène ou de soins médicaux, etc. : un seul médecin est déployé pour s’occuper de 1 500 détenus au sein de la prison centrale de Conakry, où la capacité d’accueil ne dépasse pas 300 personnes. “On se couche les uns sur les autres, la nourriture arrive déjà pourrie. Les prisonniers font leurs besoins les uns à côté des autres”, explique un militant de l’UFDG détenu à la fin de l’année 2020.
En outre, le terme de “détentions arbitraires” est plus que révélateur : depuis leur mise en détention entre le 11 et le 13 novembre dernier, Ibrahima Chérif Bah, Ousmane “Gaoual” Diallo et Abdoulaye Bah demeurent en attente de leur jugement. Tous les trois, ils font l’objet de 11 chefs d’inculpation, dont « détention et fabrication d’armes légères, association de malfaiteurs, trouble à l’ordre public, pillage et destruction, participation à un attroupement, propos incitants à la violence”. Et pourtant, d’après Fabien Offner (chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International) “toutes les personnes en détention provisoire doivent avoir accès à un avocat et être jugées dans un délai raisonnable ou libérées dans l’attente de l’ouverture d’un procès, comme le prévoit le droit international”.
Certains de ces prisonniers décèdent au cours de leur détention, par manque de soins médicaux. Human Rights Watch déclarait que 4 personnes étaient décédées entre novembre 2020 et janvier 2021. Ils faisaient partie des centaines de partisans présumés de l’opposition arrêtés lors du référendum de mars 2020 puis de l’élection présidentielle d’octobre 2020. Et malheureusement, la situation ne tend pas à s’améliorer : dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, Ibrahima Chérif Bah a été hospitalisé d’urgence, à l’hôpital “Ignace Deen” de Conakry, alors que son état de santé se dégrade considérablement.
Cellou Dalein Diallo interdit de voyage
Quand ils ne sont pas incarcérés, les opposants sont régulièrement entravés dans leurs déplacements, voire assignés à résidence. Ainsi, alors que le leader de l’opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo, envisageait de se rendre à Abidjan le 16 mars dernier pour assister aux obsèques de l’ancien Premier ministre ivoirien, Hamed Bakayoko, il s’est vu confisquer son passeport et refuser la sortie du territoire. Il expliquera par la suite qu’en tant que vice-président de l’Internationale libérale, il avait été mandaté pour représenter l’organisation lors des obsèques et porter un message de condoléances au président Alassane Ouattara, à ses partisans ainsi qu’à la famille du défunt.
Et ce n’est pas la première fois que Cellou Dalein Diallo subit un tel outrage. Quelques mois plus tôt, il avait tenté d’aller apporter son soutien à la suite de la disparition de Soumaila Cissé (chef de file de l’opposition malienne). Le refus dont Cellou Dalein Diallo a fait l’objet a créé un esclandre. Pour Me Mohamed Traoré, membre du collectif d’avocats défendant les opposants du régime d’Alpha Condé, cette objection est une “parade” pour justifier la violation des droits de l’opposant.
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