Dans la foulée de la polémique sur les plus de 100.000 migrants (dont pas moins de 10.000 mineurs non accompagnés) qui en février dernier ont été arrêtés du côté américain de la frontière avec le Mexique, Mexico a été contraint de réagir. Accusés d’un laisser-faire qui leur convient, en expulsant indirectement une pauvreté systémique qui une fois installée à l’étranger renvoie au pays d’indispensables devises (les « remesas »), le Mexique et le Guatemala ont lancé samedi dernier une opération de sécurisation de leur frontière commune. Une frontière sud du Mexique qui fonctionne depuis des décennies comme un mauvais filtre impitoyable, où l’action des mafias influe dramatiquement plus que celles d’autorités souvent impuissantes ou complices.
Alors que la frontière sud du Mexique a été fermée temporairement aux passages terrestres, une opération policière et militaire vise à contenir le flux de migrants qui a connu une importante recrudescence avec l’arrivée à la Maison Banche de Joe Biden. Officiellement il s’agit de lutter contre la propagation du Covid. Mais c’est difficile à croire alors que le Mexique est un des rares pays au monde à n’avoir jamais fermé ses frontières aux touristes étrangers, et que de surcroît l’intention affichée tombe au même moment où Washington a envoyé à son voisin mexicain 2.5 millions de doses de vaccin. Face à l’immobilisme du Mexique, Les États-Unis ont l’habitude des incitations ou des coups de pression. Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador s’était ainsi entendu favorablement avec Donald Trump pour accroître la militarisation de sa frontière nord, la Guardía Nacional étant sous contrôle militaire. Officiellement les deux chefs d’État étaient même devenus des « amis » alors qu’à première vue tout semblait les opposer.
Une migration permanente en manque de régulation
« On doit comprendre que l’immigration est permanente, cependant il faut qu’elle soit régulée et sûre » a déclaré à l’agence EFE un commandant de la 36e zone militaire de Tapachula, ville de la frontière sud du Mexique. Le renforcement de la vigilance du fleuve Suchiate, qui sépare le Chiapas mexicain de son voisin guatémaltèque, est une passoire où la violence et la mort sont routinières. Selon l’Institut national des migrations du Mexique, les arrestations de migrants d’Amérique centrale ont bondi de 28 % en mars 2021 par rapport à mars 2020. La plupart de ses personnes, qui fuient la violence de pays sous l’emprise des « cartels » de multi-trafiquants viennent du Honduras pour 56 % d’entre elles, les autres fuyant le Guatemala et le Salvador.
Les migrations latino-américaines vers les États-Unis avaient connu en 2017, suite à l’arrivée au pouvoir de Trump, leur plus bas niveau en près de cinquante ans. Elles ont par la suite progressivement ré-augmenté pour connaître un nouvel essor important aujourd’hui. L’année dernière les estimations officielles estimaient qu’environ 400.000 personnes étaient entrées illégalement aux États-Unis. Elles étaient 1,6 millions en 2000. D’après les autorités migratoires, le rythme d’au moins 100.000 personnes par mois devrait encore augmenter en avril. L’espoir suscité par Biden mettra un temps à être tristement refroidi.
G.M.
Crédit photo : Gaëtan Mortier
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