Matières premières : pourquoi les prix grimpent ?

Matières premières : pourquoi les prix grimpent ?

Le prix des matières premières, et plus particulièrement du cuivre, connaît une tendance haussière pour une série de raisons conjoncturelles. Dans le contexte persistant de crise internationale dérivée de la pandémie, l’écart s’accroît entre entre l’offre et la demande, du métal rouge au bois de construction, en passant par le fer, l’aluminium, le zinc ou l’étain.

La hausse importante du prix du cuivre est à l’heure actuelle la plus significative pour l’industrie et celle qui attire le plus de commentaires inquiets. Le début d’une reprise économique, encore incertaine toutefois, augmente la tension entre une demande en hausse et des problèmes d’offre. En conséquence les prix du métal rouge a battu il y a quelques jours un record en dépassant temporairement les 10.550 dollars la tonne. Fin avril la tonne dépassait déjà les 10.000 dollars pour la première fois depuis 2011, quand le cuivre avait atteint un record à 10.190 dollars.

La tension sur le marché promet de nouveaux pics de prix pour une matière première qui, selon la Bank of America, est au bord de la pénurie. Selon la presse économique, qui cite l’analyste Michael Widmer, la tonne de cuivre pourrait atteindre les 20.000 dollars d’ici à 2025, un sommet que n’explique pas seulement les perturbations actuelles du marché mondial.

Cité par La Tribune, l’économiste Paul Bloxham, spécialiste des matières premières chez HSBC, explique que « la hausse est soutenue par une forte reprise de la demande, principalement de la Chine, des perturbations dans la production, l’anticipation d’une hausse de l’inflation mondiale, le faible niveau des stocks, ainsi qu’un nombre record de positions longues (acheteuses) sur les marchés à terme ».

Les raisons d’une ruée sur le cuivre

Aux explications conjoncturelles s’ajoute une tendance de fond, de long terme : la demande de cuivre est tirée vers le haut par des marchés dynamiques sous tension, ainsi qu’une transition énergétique gourmande en métal rouge. Le cuivre est utilisé partout dans un nombre croissant de productions modernes, pour fabriquer des circuits électriques utilisés autant dans l’industrie automobile que dans l’électroménager, ou encore l’immobilier. De plus les véhicules électriques requièrent des batteries qui contiennent des matières premières sous tension sur le marché, et on retrouve aussi le cuivre dans les éoliennes par exemple. Or, l’Europe, la Chine comme les États-Unis ont placé parmi leurs priorités économiques une transition énergétique qui trouve une place importante dans les plans de relance post-Covid. Fin 2020 déjà, la Chine, qui consomme la moitié de la production mondiale, importait des quantités record de cuivre.

Une autre raison significative s’ajoute pour expliquer cette forte tendance haussière : la faiblesse actuelle du dollar. Le billet vert est une référence internationale pour le prix des matières premières, et les spécialistes rappellent que sa baisse entraîne souvent une hausse du prix de ces dernières. Une conjoncture qui renforce la spéculation, emportée par un élan enthousiaste à contre-courant de la santé économique mondiale. La presse financière explique ainsi que le marché des matières premières attire plus que jamais des investisseurs qui souhaitent diversifier leurs placements. Des « investisseurs haussiers » qui parient sans trop de risque que la demande ne cessera d’augmenter une fois la crise actuelle dépassée, pour les raisons de fond évoquées plus haut.

Enfin, une autre raison conjoncturelle significative renforce la forte hausse du prix du cuivre : des problèmes d’approvisionnement au Chili, premier producteur mondial de cuivre (25 % de la production). Même si sa production a augmenté début 2021, des problèmes politiques et sociaux ont perturbé le transport et l’exportation du métal. Pour conclure sur le cuivre, les spécialistes n’envisagent pas une pénurie malgré les tensions sur le marché. Que ce soit au Chili, au Pérou (2e producteur mondial), en République Démocratique du Congo ou en Russie, de nouveaux gisements sont en effet sur le point d’être exploités.

Métaux, bois et céréales sous tension

Au-delà du métal rouge, de nombreuses autres matières premières sont sous tension sur le marché international du fait d’une « sortie de crise Covid-19 » en Chine. Interviewé par Le Figaro, le spécialiste des matières premières Philippe Chalmin explique que « la demande chinoise a explosé sur de très nombreux marchés de produits industriels, comme le fer, l’acier, les métaux non ferreux, les produits agricoles comme les céréales et les oléagineux », à laquelle se superpose la reprise de l’économie américaine sous l’effet de colossaux plans de relance. Ainsi le prix du bois de construction a triplé au cours des douze derniers mois. Aux États-Unis le secteur de la construction consomme majoritairement du bois, et les confinements ont favorisé la rénovation comme la construction de maisons.

D’autres hausses sont à constater. Sur le marché des changes chinois l’aluminium a battu son record datant de janvier 2010 tandis que le zinc a dépassé celui de 2008. Ailleurs on peut lire que l’étain, utilisé comme le cuivre dans les circuits électroniques, a vu son prix doubler en un an. A cela s’ajoute le minerai de fer qui le 10 mai dernier a dépassé pour la première fois les 200 dollars la tonne. De son côté le pétrole brut a gagné autour de 30 % depuis un an.

Plus inquiétant encore, car on ne peut plus essentiel pour tous : la hausse du prix des céréales. Selon l’indice Bloomberg des prix des matières agricoles, les prix des céréales ont grimpé de 22 % en un an. Des sécheresses ont fait baisser les productions dans des pays comme le Brésil ou le Mexique (maïs, soja), tandis qu’aux États-Unis et en Europe ce sont des vagues de froids qui ont affecté les cultures de blé. Même la Russie, devenue ces dernières années le premier exportateur mondial de blé (conséquence d’un développement impulsé suite aux sanctions américaines et européennes du fait de la crise ukrainienne de 2014 ; lire « L’agriculture russe comme effort vers la puissance » dans les Grands Dossiers du magazine Diplomatie de juillet-août 2020) prévoit à cause d’une météo peu clémente une baisse significative de sa production en 2021.

Gaëtan Mortier

Crédit photo : Reinhard Jahn (licence Creative Commons).

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