Sommet de l’Otan avec Biden : nouvelles perspectives, continuité… et la Chine

Sommet de l’Otan avec Biden : nouvelles perspectives, continuité… et la Chine

Les 30 pays membres de l’Otan se sont retrouvés lundi dernier à Bruxelles pour une première rencontre sous les auspices du président américain Joe Biden. Après les turbulences de la période Trump, les Européens ont pu retrouver un allié se disant déterminé à « revitaliser » l’Alliance atlantique. Ce 28e sommet s’est à la fois inscrit dans la continuité, soit une ligne ferme vis à vis de la Russie, mais aussi dans une révision et une augmentation de ses objectifs face aux nouvelles menaces, en tête desquelles est désormais placée la Chine. L’éclaircissement des relations avec la Turquie d’Erdogan, qui ces dernières années a parfois plus agi en ennemi qu’en allié, a également été un des enjeux de rencontres bilatérales en marge du sommet.

Le contenu de la réunion d’environ trois heures des membres de l’Alliance atlantique a bien sûr été largement défini en amont. Les jours qui ont précédé le sommet ont vu la presse se faire l’écho de déclarations annonçant la continuité comme l’actualisation des enjeux des trois tâches fondamentales de l’Otan : la défense collective, la gestion de crise et la coopération de sécurité. Beaucoup a été dit sur le fait que les Européens avaient besoin d’être rassurés sur la volonté d’engagement américaine après les remises en cause fracassantes de Donald Trump, son attitude de retrait sur la scène internationales comme son laxisme face à l’attitude hostile de l’allié turc Erdogan.

Au-delà de ce qui est considéré comme la menace russe héritée de la guerre froide, au-delà du défi stratégique que représente une Chine conquérante qui inquiète et dérange souvent de par le monde, il est devenu essentiel de s’adapter aux nouvelles menaces dans l’espace et le cyberespace. Ce dernier point représente désormais une ligne de force défensive fondamentale, à l’heure où partout dans le monde se multiplient et se complexifient des cyberattaques contre toutes sortes de cibles civiles, sans que les auteurs comme les commanditaires étatiques puissent être clairement identifiés.

Dès le 1e juin le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, déclarait : « La dissuasion et la défense restent la tâche numéro un de l’OTAN (…) mais l’alliance a aussi besoin d’unité face aux cyberactivités déstabilisantes et malveillantes ». Comme l’écrivait Le Monde à la veille du sommet, pour d’évidentes raisons de confidentialité, aucun détail à ce sujet ne sera divulgué, le communiqué final du sommet restera très général (« OTAN : réviser la cyberdéfense, un dossier sensible au menu du sommet de Bruxelles »).

Envers la Russie : de nombreux griefs, mais un dialogue possible

La Russie a toujours la primeur des préoccupations otaniennes. En témoigne sa place « privilégiée » dans les premiers paragraphes de la déclaration finale du sommet. Dès le point 9 du texte il est déclaré : « Nous continuerons de répondre à la détérioration de l’environnement de sécurité en renforçant notre posture de dissuasion et de défense, y compris par une présence avancée dans la partie orientale de l’Alliance. L’OTAN ne cherche pas la confrontation et ne représente aucune menace pour la Russie ». La liste des griefs aux point 11, 12 et 13 est longue et ne cesse de s’enrichir : activisme militaire direct et indirect en Ukraine, Biélorussie et Géorgie, « discours nucléaire agressif et irresponsable », « activités provocatrices », « tentatives d’ingérence », campagnes de désinformation, actes de cyber-malveillance, « complaisance à l‘égard de cybercriminels » etc.

Aux griefs suit la condition d’un retour à une relation moins conflictuelle : « Tant que la Russie ne montre pas qu’elle respecte le droit international et qu’elle honore ses obligations et responsabilités internationales, il ne peut y avoir de retour à la normale ». Toutefois les pays de l’alliance concluent : « Nous continuons d’aspirer à établir une relation constructive avec la Russie, lorsque ses actions le permettront ». Malgré l’ensemble conséquent des désaccords, le dialogue entre les États-Unis et la Russie n’est pas tombé aux oubliettes, comme en témoigne la rencontre demain mercredi à Genève entre Joe Biden et Vladimir Poutine.

Envers la Chine : des « défis systémiques », mais pas de nouvelle guerre froide

La grande nouveauté de ce sommet de l’Otan est l’inclusion pour la première fois de la Chine parmi les menaces fondamentales auxquelles doivent faire face les pays membres de l’alliance. Le communiqué déclare sans ambage : « Les ambitions déclarées de la Chine et son comportement affirmé représentent des défis systémiques pour l’ordre international fondé sur des règles et dans des domaines revêtant de l’importance pour la sécurité de l’Alliance». Les « politiques coercitives » de la Chine préoccupent.

Avant le sommet, le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg exprimait ses inquiétudes lors d’une conférence de presse : «Nous constatons une montée en puissance importante de la Chine. Elle investit dans des capacités nucléaires et des armes de pointe, elle a une attitude de confrontation en mer de Chine, elle ne partage pas nos valeurs (…). La Chine se rapproche de nous, dans le cyberespace, en Afrique, dans l’Arctique. Elle investit en Europe pour prendre le contrôle d’infrastructures stratégiques ».

Le même tint cependant à ajouter : « La Chine n’est pas notre adversaire, notre ennemi. Il n’y aura pas de nouvelle guerre froide avec la Chine, mais nous devons faire face aux défis posé par la Chine pour notre sécurité ». Le ton déterminé opposé à une Chine considérée comme une menace est tempéré par des Européens qui ne souhaitent pas se laisser entraîner dans la confrontation entre les deux hyper-puissances mondiales. Ainsi, en France, l’Élysée déclarait avant le sommet : « Le cœur de l’Otan, c’est la sécurité de l’espace euro-atlantique. L’heure n’est pas à la dilution de l’effort ».

La Turquie sécurisera l’aéroport de Kaboul

En second plan des principaux enjeux stratégiques, la question des relations compliquées avec la Turquie se devait d’être abordée et confrontée. Celle-ci est « sous le feu des critiques, des membres l’accusant de manquer de loyauté, voire de nuire à l’Otan. Ankara, pour sa part, revendique à la fois son ancrage dans l’alliance occidentale et une politique étrangère indépendante » écrit RFI. Si le communiqué commun salue certaines contributions utiles de la Turquie (« Nous saluons la création, en Turquie, du Centre d’excellence de l’OTAN pour la sûreté maritime », point 25 ; ou encore : « Nous tenons de nouveau à remercier l’un des membres de notre Alliance, la Turquie, qui accueille des millions de réfugiés syriens » au point 53), divergences, mécontentements mais aussi intérêts communs ont été abordés lors d’entretiens bilatéraux. Ainsi le président français Macron a rencontré Erdogan en amont du sommet (lire l’article du Huffington Post, « A l’Otan, Macron et Erdogan se rencontrent après des mois d’injures »).

De même le controversé chef d’État turc, qui a mis en colère les Américains en achetant des missiles anti-missiles russes S-400, a rencontré pour la première fois Joe Biden président lors d’un entretien « très productif et sincère », a-t-il déclaré. Malgré son attitude peu amène voire parfois franchement hostile, la Turquie demeure une nation alliée sur laquelle compter. Dernière contribution en date négociée : la sécurité de l’aéroport de Kaboul, en Afghanistan. Après le retrait des troupes américaines brutalement annoncé sous l’administration Trump, que suivra le départ des soldats de l’Otan, Ankara a accepté cette charge importante. L’aéroport est en effet un élément essentiel pour permettre l’entrée et la sortie de diplomates et d’humanitaires occidentaux dans un pays en déroute plus que jamais menacé par les talibans.

Gaëtan Mortier

Crédit photo : nato.int

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