Dans une interview accordée à Jeune Afrique, le président du Conseil militaire de transition, le Général Mahamat Idriss Déby, revient sur ses ambitions personnelles et les défis que doit relever son pays. L’occasion de rassurer sur la volonté du Tchad d’assumer son rôle de leader dans la lutte armée contre le fléau djihadiste dans le Sahel, et ce alors que la France vient d’annoncer son souhait de mettre un terme à l’opération Barkhane.
“Le chaos que prévoyaient les soi-disant tchagologues ne s’est pas produit”
“J’étais encore en plein combat à quelques kilomètres au Sud. (…) Ce n’est que vers midi, après avoir écrasé les mercenaires (les milices du FACT, ndlr), que j’ai appris son évacuation par hélicoptère sur Ndjamena. C’est au cours de mon retour que j’ai été informé de son décès”. Tels sont les mots employés par le jeune officier de 37 ans, pour parler de la mort de son père, le président Idriss Déby Itno. Un “choc violent. Pour moi, pour notre famille, pour les Tchadiens, pour l’Afrique”, souligne Mahamat Idriss Déby.
Pour autant, le fils du Maréchal affirme que “le chaos que prévoyaient les soi-disant tchagologues ne s’est pas produit”. Alors que certains analystes défendent la thèse d’un coup d’Etat destiné à renverser Idriss Déby Itno, son fils soutient que “ce qui s’est passé ici n’était pas prémédité et n’avait rien à voir avec un coup d’Etat. Le Maréchal est mort au combat, un combat auquel j’ai moi aussi participé. Le président de l’Assemblée nationale, à qui revenait le pouvoir, a refusé d’assumer cette charge et nul ne pouvait l’obliger à devenir président contre son gré. Il était donc de notre devoir de prendre en charge la transition”. Mahamat Idriss Déby refuse ainsi toute comparaison avec le putsch militaire orchestré au Mali quelques mois plus tôt.
Promouvoir une transition pacifique
Le 19 avril, alors que le président succombe à ses blessures, de hauts dignitaires se réunissent autour de Mahamat Idriss Déby au Palais rose. Leurs objectifs ? Éviter l’effondrement des institutions et préserver le bon fonctionnement de l’Etat, pour l’intérêt des Tchadiens et de la région toute entière, le pays étant un maillon essentiel dans la lutte contre le terrorisme qui y sévit. Après de longues négociations, la Constitution est suspendue et un régime de transition est mis en place : 40 membres sont choisis pour intégrer le Conseil militaire de transition (CMT), dirigé par Mahamat Idriss Déby. “Le Conseil militaire de transition est là pour assurer la continuité de l’Etat pendant cette période. Dans ce cadre, nous avons nommé un Premier ministre civil issu de l’opposition, Pahimi Padacké, lequel a formé un gouvernement de large ouverture”, plaide le chef du CMT.
Parmi eux, des proches de l’ancien président mais également des membres de l’opposition, à l’instar d’Acheikh Ibn Oumar, ancien chef rebelle, nommé au ministère de la Réconciliation nationale et du Dialogue. Mahamat Ahmat Alhabo, opposant historique d’Idriss Déby, est nommé ministre de la Justice, et Lydie Beassemda, première femme candidate à la présidentielle, occupe quant à elle le poste de ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Pour mener à bien la transition politique du pays, des élections sont prévues dans les 18 mois. Un scrutin que le fils du Maréchal souhaite libre, inclusif et transparent, à condition cependant que les Tchadiens s’unissent pour élire leur représentant, et que le pays bénéficie d’une aide internationale pour l’organiser.
Poursuivre la lutte contre le djihadisme
Neuf ans après l’envoi de soldats français au Mali pour lutter contre l’avancée des djihadistes, Emmanuel Macron a annoncé le retrait des troupes le 10 juin dernier, mettant fin à l’opération Barkhane, comprenant 5 100 hommes. Revenant sur cette décision, Mahamat Idriss Déby s’est voulu rassurant : “Je crois que les Africains sont tout à fait capables de se défendre eux-mêmes contre le fléau djihadiste”, précisant que les engagements du Tchad seront maintenus au sein de la Minusma et du G5 Sahel.
Pour rappel, son père était considéré comme un pilier de la lutte antiterroriste dans la région du Sahel. “Si la digue tchadienne cède, après celle libyenne (…) c’est, assurément, le tapis rouge déroulé aux terroristes et bandits de grand chemin qui ont profité de la poudrière à ciel ouvert qu’est devenue la Libye, pour s’armer lourdement dans leurs assauts contre les paisibles populations du Sahel”, peut-on lire sur le site d’information burkinabè Wakat Sera. Mahamat Idriss Déby est donc attendu au tournant et devra poursuivre ses efforts pour mener à bien les objectifs qu’il s’est fixés pour son pays.
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