Le G20 se penche sur la crise en Afghanistan

Le G20 se penche sur la crise en Afghanistan

Un sommet extraordinaire du G20 sur l’Afghanistan a été organisé mardi dernier en Italie. L’Union européenne a décidé d’octroyer un milliard d’euros d’aide humanitaire au peuple afghan tandis que les États-Unis vont engager 300 millions. Après la prise de pouvoir par les talibans le 15 août, puis le départ chaotique des troupes américaines achevé le 30 du même mois, la crise économique, humanitaire et sécuritaire s’aggrave à l’approche de l’hiver.

Les Afghans vivaient une crise profonde avant la prise de pouvoir fulgurante des talibans l’été dernier, ils subissent désormais une situation pire encore à de nombreux égards. Sous l’aspect économique, le pays manque de financements car les fonds internationaux ont été bloqués depuis la prise de pouvoir par les islamistes. Sans vouloir reconnaître ni aider les talibans, les vingt pays les plus riches du monde se sont engagés à venir au secours d’une population menacée de famine.

« Il faut d’abord répondre à la crise humanitaire. Et cela signifie établir des contacts avec eux, il n’y a pas d’alternative » a déclaré l’initiateur de ce sommet, le Premier ministre italien Mario Draghi. Les sommes colossales à destination de l’Afghanistan et des pays limitrophes « sont essentielles pour que cette réponse soit efficace. Mais ce n’est pas une reconnaissance, a précisé Draghi. Les talibans seront jugés sur ce qu’il feront, et non pour leurs mots ».

En parallèle à ce sommet virtuel du G20, auquel ni Xi Jinping ni Vladimir Poutine n’ont souhaité participer, une délégation conjointe des États-Unis et de l’Union européenne rencontrait pour la première fois des représentants talibans au Qatar. Tandis que les occidentaux poussaient pour le respect des droits des femmes, les islamistes insistaient sur l’idée que déstabiliser les nouveaux maîtres du pays ne serait bon pour personne.

Un risque de famine et d’effondrement économique

A l’approche d’un hiver redouté, près du tiers de la population afghane dépend de l’aide humanitaire. Dans ce pays de 38 millions d’habitants, 14 millions se trouvent en état d’insécurité alimentaire selon l’Onu, et, dans les régions les plus reculées, ceux-ci sont déjà menacés de famine.

Déjà avant la débâcle de leur gouvernement les Afghans souffraient de la guerre, mais aussi de la pandémie de Covid-19 ainsi que d’une sécheresse qui a affecté les récoltes. Depuis la prise de pouvoir par les talibans la situation s’est encore aggravée. Les prix des produits de première nécessité ont grimpé et l’accès à l’argent liquide est très limité depuis l’imposition de sanctions économiques.L’économie et le système bancaire sont à l’arrêt. Le pouvoir ne dispose même plus de liquidités pour payer les 500.000 fonctionnaires.

Les négociations mentionnées plus haut ont pour objet d’éviter l’effondrement économique et, selon les mots de M. Draghi, de « tout faire » pour défendre les droits des Afghanes. A cela s’ajoute la question de la sortie du pays des Afghans ayant travaillé avec les forces occidentales, voire de ceux qui s’opposent au nouvel ordre islamiste. En attendant les résultats de ces délicats pourparlers, ce sont les Nations Unies qui souhaitent coordonner le plan d’urgence humanitaire et l’acheminement des aides directement aux populations, sans condition ni entrave. Il est bien-sûr hors de question que cette aide soit détournée par des pouvoirs sans scrupules, comme cela est si souvent arrivé ailleurs.

Une crise sécuritaire qui s’aiguise

L’autre défi prioritaire est de toute évidence sécuritaire. Les talibans ont affaire à plus extrémistes qu’eux : l’État islamique-Khorasan (EI-K), qui a revendiqué de nombreux attentats contre la population et les forces talibanes. La région dite du Khorasan s’étend entre l’Afghanistan, l’Iran, le Pakistan et le Turkménistan. Une trentaine d’attentats ont ensanglanté le pays depuis la mi-août. La semaine dernière une soixantaine de personnes ont été tuées dans une mosquée chiite… et on apprend aujourd’hui qu’un attentat suicide similaire vient d’être perpétré à Kandahar, faisant trente trois morts et de nombreux blessés. Il y a quelques jours c’était un responsable de la police talibane qui périssait lors d’une attaque à la bombe contre son véhicule. Après le retrait américain la conquête du pouvoir a été aisée pour les talibans ; une nouvelle phase plus difficile s’ouvre désormais face à un ennemi coriace et plus difficile à identifier.

Une situation sécuritaire explosive qui inquiète grandement la Russie. Celle-ci a d’ailleurs convié les talibans à des discussions internationales le 20 octobre prochain, en compagnie de la Chine, de l’Iran, du Pakistan et de l’Inde. Les trois enjeux principaux seront la sécurité, l’aide humanitaire et la reconstruction du pays. En parallèle, afin de prévenir toute infiltration terroriste, la Russie mène d’importantes manœuvres militaires conjointes avec les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale que sont l’Ouzbékistan et le Tadjikistan.

Que ce soit face à la Russie ou aux pays européens, les représentants talibans vont négocier la levée de sanctions économiques en jouant avec la peur d’une déstabilisation plus grande de l’Afghanistan qui affecterait les pays voisins, et d’autres plus lointains. Comme l’a exprimé le porte-parole taliban, Suhail Shaheen, dans une interview donnée à RFI : « Si l’anarchie règne en Afghanistan, si le gouvernement est affaibli, c’est à vous que cela posera des problèmes de sécurité. (…) Deuxièmement, cela poussera de nombreuses vagues de réfugiés en direction des pays européens et, cela non plus, ce n’est pas dans votre intérêt ». Le ministre des Affaires étrangères taliban, Amir Khan Muttaqi, s’est exprimé dans des termes similaires en début de semaine. En Afghanistan comme ailleurs, la question des flux migratoires est désormais autant politique qu’économique.

Gaëtan Mortier

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