Nicaragua : la réélection d’Ortega contestée sur le continent américain

Nicaragua : la réélection d’Ortega contestée sur le continent américain

La réélection au Nicaragua de l’ancien guérillero sandiniste et actuel autocrate Daniel Ortega ne passe pas, à commencer sur le continent américain. Les résultats du scrutin sont contestés par une opposition très durement réprimée comme par les voisins latino-américains du petit pays d’Amérique centrale. L’Organisation des États américains (OEA) s’est emparée du problème qui déborde du continent.

Les « fils de pute des impérialistes yankees », selon les termes d’Ortega au lendemain de l’élection présidentielle du 7 novembre, ont désormais l’attention de la communauté internationale. Qui sont-ils ? Les 160 opposants emprisonnés par le régime, pour beaucoup d’entre eux enfermés depuis les manifestations sanglantes de 2018 ayant entraîné la mort de plus de 300 personnes. Ortega, le révolutionnaire qui en 1979 renversait par les armes le tristement fameux dictateur Somoza, a désormais l’ambition non assumée de devenir son double. Et toutes les outrances sont bonnes pour tenter de camoufler maladroitement ce qui ne peut passer inaperçu : une immense fraude électorale.

Selon les chiffres officiels, Daniel Ortega aurait été réélu pour un quatrième mandat avec 76 % des voix. La main dans la main avec sa femme, Rosario Murillo, vice-présidente depuis 2017. Alors que le tribunal électoral a annoncé un taux de participation de 65 %, un observatoire indépendant a estimé l’abstention à 81.5 % en se basant sur des données fournies par près de 1500 observateurs non autorisés. Pour tenter de faire bonne figure, cinq autres personnes se sont présentés au scrutin présidentiel, considérés comme des leurres par l’opposition dont les sept véritables candidats ont été arrêtés au cours de l’été. Ils croupissent toujours en prison en compagnie de journalistes et de militants de divers horizons.

L’Organisation des États Américains dénonce les élections comme les institutions

Aujourd’hui seule une toute petite poignée de pays s’est exprimée succinctement pour défendre le résultat des élections et un couple avide de pouvoir. D’abord les régimes autoritaires latino-américains, toujours solidaires entre eux, que sont le Venezuela et Cuba. La Russie ensuite, aux yeux de laquelle le scrutin s’est déroulé « dans le respect de la loi ». Un regard russe habitué à s’amouracher de dictateurs à partir du moment où ils s’opposent aux États-Unis dans une logique de guerre froide. Des soutiens auxquels il faut ajouter la Bolivie démocratique, idéologiquement alignée en regard du passé davantage que du futur.

Une réunion de l’Assemblée générale de l’Organisation des États Américains (OEA) a quant à elle voté une résolution dénonçant l’absence de légitimité démocratique d’Ortega. Le texte dit que les élections « n’ont pas été libres, justes ni transparentes » et que les institutions démocratiques au Nicaragua « ont été sérieusement sapées » par le régime. Alors que 26 pays ont voté pour la résolution, 7 se sont abstenus, au premier rang desquels l’Argentine et le Mexique, pour des raisons dites de « non-ingérence ». Pays auxquels il faut ajouter la Bolivie, le Honduras, la Barbade, Saint-Vincent et la Grenade.

Une possible exclusion de l’Accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Amérique centrale

Avant même la résolution de l’OEA, plus de quarante gouvernements ont très vite rejeté la prétendue bonne tenue des élections comme la véracité des résultats. Le premier chef d’État à réagir le jour même fut Joe Biden, qui a qualifié les élections de « pantomime », qualifiant Ortega et sa femme Murillo d’autocrates. Le Congrès américain a dans la foulée approuvé une loi donnant le pouvoir au président américain d’imposer des sanctions contre le Nicaragua, y compris la possibilité d’exclusion de l’Accord de libre-échange avec l’Amérique centrale (l’ALEAC). Des premières sanctions financières ont été décidées ce lundi 15 novembre contre neuf hauts responsables du Nicaragua, mais aussi contre le Parquet fédéral accusé d’avoir « injustement arrêté et ouvert des enquêtes contre des candidats à la présidence, ce qui les a empêchés de se présenter et a donc sapé la démocratie ». Les États-Unis ont en outre exprimé « leur soutien au peuple du Nicaragua dans leurs appels en faveur de réformes et de retour à la démocratie ».

En Amérique latine ce sont le Chili et le Costa Rica qui on été les premiers à rejeter les résultats des élections, appelant à la libération des prisonniers politiques. Pour le ministre des Affaires étrangères péruvien le scrutin dénoncé « mérite le rejet de la communauté internationale ». Le président colombien Ivan Duque a quant à lui qualifié ces élections de « chronique d’une fraude annoncée », faisant référence au titre d’un roman du célèbre écrivain national Gabriel García Márquez.

Côté européen l’Espagne a rapidement dénoncé « une moquerie envers la démocratie, le peuple nicaraguayen et la communauté internationale », tandis que le représentant pour les Affaires étrangères de l’Union européenne, Josep Borrell, a annoncé des « mesures spéciales » en cours d’analyse. Ce à quoi Daniel Ortega a répondu en finesse : « Ce qu’on appelle maintenant l’Union européenne a une majorité de parlementaires fascistes, nazis (…) ». La prochaine étape que devra affronter Ortega contre la communauté internationale aura lieu au plus tard le 30 novembre, lorsque l’OEA aura pris une décision sur les « actions appropriées » à entreprendre contre le régime dictatorial.

Gaëtan Mortier

Crédit photo : Ricardo Patiño (licence Creative Commons)

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