Boycott diplomatique des Jeux Olympiques en Chine : adeptes et interrogations

Boycott diplomatique des Jeux Olympiques en Chine : adeptes et interrogations

Combien de pays ont déjà décidé d’un boycott diplomatique des Jeux Olympiques d’hiver de Pékin ? Les États-Unis ont été les premiers à annoncer le 6 décembre dernier qu’ils n’enverront aucune représentation diplomatique en Chine pour cette 24e édition, qui aura lieu du 4 au 20 février prochain. Leurs alliés les plus proches ont suivi le pas, tandis que les pays de l’Union européenne se concertent pour tenter de prendre une décision commune.

Sans surprise les autorités américaines ont choisi l’option du boycott diplomatique – non sportif – des prochains jeux olympiques organisés sur les terres de leur ennemi stratégique. La motivation principale est la dénonciation des violations des droits de l’Homme, notamment à l’encontre des Ouïghours du Xinjiang. Au-delà de ce qui est parfois qualifié de génocide, les reproches et graves différends concernent Taïwan, la répression sévère de toute opposition à Hong Kong ou encore l’attitude chinoise agressive et conquérante en mer de Chine méridionale. Selon la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, les États-Unis ne peuvent faire « comme si de rien n’était » face aux « atrocités » commises. La stratégie est d’appuyer sur les plaies aux yeux du monde, et si possible d’entraîner dans son sillage un certain nombre d’alliés.

Ont immédiatement emboîté le pas l’Australie, aux premières loges des tensions avec la Chine, ainsi que le fidèle Royaume-Uni. Le Premier ministre britannique Boris Johnson a déclaré qu’« aucun ministre ou officiel du gouvernement » ne sera envoyé aux Jeux d’hiver. Se retrouve ainsi en bon accord les membres de l’AUKUS, le front tripartite destiné à lutter contre l’expansionnisme chinois en Indo-Pacifique. Dans la foulée la Nouvelle Zélande et le Canada se ralliaient à ce boycott léger pour raisons lourdes.

Autre allié crucial de l’Amérique dans la région pacifique, le Japon n’a pas encore pris de décision. Le Premier ministre japonais Kishida a déclaré hier qu’il n’avait pour l’instant pas l’intention de se rendre à Pékin, tandis que la présence de représentants de moindre rang n’était pas non plus confirmée.

L’Europe va tenter une position commune

En Europe l’éventualité d’un boycott diplomatique collectif est en cours d’évaluation. Des pourparlers ont débuté cette semaine. Seule la Lituanie a déjà annoncé que le chef de sa diplomatie ne se rendrait pas à Pékin. Ce pays est en effet dans la ligne de mire de la Chine depuis qu’il a décidé d’ouvrir une représentation diplomatique à Taïwan. La semaine dernière, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, exprimait le souhait que les 27 puissent adopter prochainement une position commune.

La question aurait pu être posée sur la table du Conseil européen du 16 décembre, mais il y avait plus urgent à traiter. La crainte d’une nouvelle attaque russe de l’Ukraine et la définition d’éventuelles représailles massives a mobilisé les esprits. La réponse ne semble pas être pour de suite et il faudra notamment convaincre la Hongrie, pays de l’UE le plus proche de la Chine. La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, s’est aussi prononcée contre la politisation des Jeux, de même que son homologue autrichien Alexander Schallenberg. Le président français Emmanuel Macron a quant à lui estimé qu’un boycott diplomatique ne serait « qu’une mesure toute petite et symbolique ».

Les États-Unis « paieront le prix de ce mauvais coup »

La diplomatie chinoise n’a pas tardé à réagir à l’annonce américaine du boycott. « La tentative des États-Unis de perturber les Jeux olympiques d’hiver de Pékin, fondée sur un préjugé idéologique, des mensonges et des rumeurs, ne fera qu’exposer aux yeux de tous les intentions malveillantes des États-Unis », a déclaré le porte-parole Zhao Lijian. Peu après le ministre des Affaires étrangères Wang Wenbin assénait : « Le recours des États-Unis, de l’Australie, du Royaume-Uni et du Canada à la scène des Jeux olympiques à des fins de manipulation politique est impopulaire et revient à s’isoler soi-même. Ils paieront inévitablement le prix de ce mauvais coup. » Sans plus de précision.

« Sur ce point, la stratégie chinoise est intéressante car, en laissant cette formule vague, elle peut ainsi dissuader des acteurs et États de se joindre à la dynamique étatsunienne » analyse pour l’IRIS Carole Gomez, spécialiste de l’impact du sport dans les relations internationales. Interviewée par France Info, elle a ajouté : « Si le boycott des États-Unis n’est suivi que par quatre pays, ce sera une victoire pour la Chine. Aussi important soient-ils sur la scène internationale, ces quatre pays ne représentent pas assez de poids face aux plus de 200 Comités nationaux olympiques. »

Quoiqu’il en soit, l’ampleur d’un éventuel boycott ne bouleversera pas des relations déjà tendues avec la Chine. Toutefois, l’UE soignera sans doute davantage que les Anglo-Saxons sa relation avec une Chine qui est son deuxième partenaire commercial.

Gaëtan Mortier

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