Le Rafale enchaîne les grosses commandes… hors Europe

Le Rafale enchaîne les grosses commandes… hors Europe

Si 2021 a été une année faste pour l’avion de chasse français Rafale, 2022 débute bien avec une commande de 42 exemplaires par l’Indonésie. Un contrat à plus de 8 milliards de dollars qui représente aussi un léger rebond de l’influence française en Indo-Pacifique. Après des débuts difficiles sur le marché international, les qualités exceptionnelles du fleuron de l’aéronautique française ont séduit huit pays… malgré le choix contesté de certaines nations européennes qui ont préféré acheter le F-35 américain.

Au début des années 2000 les qualités reconnues du Rafale, rivalisant avec les performances des meilleurs avions de chasse américains, ne semblaient pas suffisantes pour convaincre des acheteurs hors armée française. Longtemps on a parlé d’échec commercial, du prix élevé d’un appareil omnirôle de « 5e génération » fabriqué par Dassault. Mais le concurrent F-35 est également très cher, et s’il s’est vendu dans quinze pays à travers le monde malgré quelques déboires techniques. Cela est bien sûr dû à l’influence géopolitique américaine. L’illustration la plus récente a été donnée par l’« affaire » du contrat de vente sous-marins français annulé en dernière minute par l’Australie. Ce membre de l’Aukus, alliance tripartite à laquelle appartient également la Grande-Bretagne, a cédé à l’allié et rouleau-compresseur américain qui s’est finalement imposé sur ce marché.

Un contrat stratégique pour l’influence française en Indo-Pacifique

La commande indonésienne de 42 avions de chasse Rafale, confirmée la semaine passée, vient donner du baume au cœur à l’industrie de pointe française. Il s’agit du premier grand contrat de ce genre remporté par la France en Indo-Pacifique, cœur des enjeux stratégiques mondiaux du 21e siècle. L’Indonésie, nouveau client de Dassault, se rapproche ainsi de la France et diversifie ses alliances comme ses fournisseurs. Car Jakarta a en parallèle commandé 36 chasseurs F-15 aux États-Unis.

« Le choix que fait l’Indonésie est celui de la souveraineté et de l’excellence technique, avec un avion qui a démontré ses capacités opérationnelles à de nombreuses reprises » a souligné la ministre française des Armées Florence Parly. Le porte-parole du ministère des Armées a quant à lui déclaré que « c’est une vente qui crédibilise la stratégie indo-pacifique française. Ce sont des ciments qui arriment une relation bilatérale. » Car l’Indonésie et la France ont signé en juin 2021 un accord de défense.

A l’international, le Rafale décolla en l’Égypte

Utilisé par la France depuis 2004, éprouvé avec succès au combat dès 2007 en Afghanistan, le Rafale n’a bénéficié d’une première commande à l’étranger qu’en 2015. L’Égypte commanda cette année-là 24 exemplaires, avant de confirmer l’année dernière l’achat de 30 autres appareils. Deux contrats qui s’inscrivent « dans le cadre de la continuité de la relation privilégiée que les deux pays ont bâtie puis renforcée ces dernières années. Paris et Le Caire partagent une analyse commune en matière de lutte contre le terrorisme et de maintien de la stabilité dans les régions du sud de l’Europe et de la sécurité en Méditerranée » déclara à l’époque Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation. Aujourd’hui l’Égypte est le 3e plus gros acquéreur de Rafale.

Le Qatar commanda cette même année 2015 pas moins de 24 Rafale, avant de porter la commande à 36. En 2016 l’Inde en acheta 36 et pourrait en commander davantage puisque ses besoins sont bien plus importants. L’avion de chasse français y est actuellement en cours d’évaluation et de comparaison avec la concurrence américaine.

2021, année de ventes record

Dans un contexte tendu avec la Turquie, la Grèce fut début 2021 le premier client européen du Rafale. La commande porta sur 12 appareils d’occasion et 6 neufs. Les exemplaires d’occasion sont prélevés progressivement sur les forces françaises qui en ont commandé autant de nouveaux. La Grèce dit viser la supériorité aérienne face à une Turquie agressive qui dispute en Méditerranée des zones maritimes riches en gaz. La montée en puissance militaire de la Grèce est une tendance profonde. Elle a en effet prévu de s’équiper de nouvelles frégates, d’hélicoptères et de drones, elle compte moderniser sa flotte de F-16 américains, a prévu de recruter davantage de militaires et a porté la durée du service militaire de 9 à 12 mois.

Puis ce fut le tour de la Croatie qui a commandé 12 Rafale d’occasion à la France. « La Croatie fait le choix de l’excellence et de la convergence stratégique entre nos pays. Elle pose avec nous un nouveau jalon pour une Europe de la défense » se réjouit alors l’Élysée.

Cependant, le contrat le plus important à l‘étranger a été signé en décembre 2021 par les Émirats arabes unis (EAU), pour l’acquisition de 80 Rafale. Client historique de la France depuis les avions Mirage, comme l’Égypte, les EAU disposent désormais de la première flotte de Rafale hors forces françaises.

Choix commerciaux et militaires anti-européens

Si Florence Parly avait salué « le choix résolument européen » des Grecs, elle ne peut en dire autant d’autres voisins de la France. Ce qui continue d’interroger au sein même des pays concernés. Les aspirations à une défense européenne, encore théorique, y ont été mises à mal par le choix d’avions américains. En 2018 l’achat belge de chasseurs F-35 a été vécu comme un coup de poignard (cf Challenges.fr). Le président français Macron regretta un choix qui « stratégiquement va a contrario des intérêts européens », un point de vue partagé par de nombreux experts.

La Suisse a déçu de la même façon en 2021, alors que le Rafale était comme toujours très bien positionné dans l’appel d’offre. Autre échec européen récent, la préférence de la Finlande pour les États-Unis. « L’Europe est le terrain de jeu favori de l’avionneur américain. Celui-ci vient de porter à neuf le nombre de contrats passés avec des nations européennes. Avant la Suisse et la Finlande, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège, le Danemark, l’Italie et la Pologne avaient déjà fait le choix du F-35 » rappellent les Échos.

Alors que la 6e génération d’avions de chasse est en cours de développement pour l’horizon 2040, l’Europe saura-t-elle faire preuve d’unité ? Dans l’acquisition des appareils certes, mais aussi dès la conception du chasseur ? La question est actuellement brûlante. Le projet de SCAF (Système de combat aérien du futur), fruit encore hypothétique d’une collaboration entre la France, l’Allemagne et l’Espagne, fait en effet l’objet de débats essentiels, voire de polémiques, sur la charge industrielle et la propriété intellectuelle (SCAF, faut-il persévérer dans l’erreur ?, dans La Tribune). Mais ceci est une autre histoire à rebondissements.

Gaëtan Mortier

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