L’attaque russe sur l’Ukraine n’entraîne pas que des réactions de rejet sur la scène internationale. Une poignée de pays justifie Vladimir Poutine dans sa périlleuse entreprise belliqueuse. Des dictateurs isolés se placent à l’ombre froide du maître, de la Syrie à l’Amérique latine en passant par la Biélorussie. Deux grandes puissances jouent l’ambiguïté, à commencer par la Chine qui, sans surprise, n’a pas condamné l’offensive militaire. De façon plus étonnante, l’Inde n’a pas pris position contre l’agression russe.
L’attaque brutale d’un pays souverain et la menace nucléaire lancée par Poutine n’apparaissent pas comme des éléments suffisamment condamnables pour certains. En témoigne l’échec du vote vendredi dernier, au Conseil de sécurité des Nations Unies, d’une résolution contre l’agression russe. Au-delà de l’évident veto de la Russie, suffisant pour paralyser une institution en crise – tandis que l’Otan retrouve une nouvelle jeunesse – trois pays se sont abstenus : la Chine, l’Inde et les Émirats arabes unis.
La Chine et l’Inde s’abstiennent de condamner
Si certains considèrent avec un optimisme très peu d’actualité que la Chine ne soutient pas l’offensive russe, d’autres préfèrent voir qu’elle ne la condamne pas. Et comment, au regard de ses velléités affichées de reprise du contrôle par la force de Taïwan. Le pouvoir chinois a dans un premier temps demandé « à toutes les parties impliquées de garder le calme ». Le chef d’État Xi Jinping, qui refuse d’employer le mot « guerre » ou « invasion », mais parle de « bouleversements dans l’est de l’Ukraine », a par la suite déclaré que la Chine « soutient la Russie dans la résolution [du conflit] par le biais de négociations avec l’Ukraine ».
Hier l’ambassadeur de Chine à l’Onu ajoutait que le monde n’avait « rien à gagner » d’une nouvelle Guerre froide. « La mentalité de Guerre froide fondée sur la confrontation de blocs doit être abandonnée » a-t-il affirmé à la tribune de l’Assemblée générale, réunie à l’occasion d’une session extraordinaire.
Comme le commente la presse internationale, l’Inde tente de jouer un exercice délicat d’équilibrisme. Le Premier ministre Narendra Modi « observe de près la situation » mais ne voit pas de quoi blâmer la Russie, son principal fournisseur d’armes. Cela interroge ses proches partenaires dans l’Indo-Pacifique contre l’affirmation chinoise, à commencer par les États-Unis. La Russie a salué l’abstention indienne, sa « position indépendante et équilibrée » lors du vote au Conseil de sécurité.
L’autre surprise d’un vote paralysant une énième fois l’institution onusienne est venue des Émirats arabes unis. En tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, au même titre que l’Inde, un haut responsable des EAU a déclaré que choisir son camp « mènera à plus de violence ». L’abstention a été privilégiée, au risque de jeter un froid sur ses relations plutôt positives avec l’Occident.
De la Biélorussie à la Syrie : des soutiens peu porteurs
Au-delà des abstentionnistes à l’Onu, la Russie peut compter sur ses plus proches alliés. A commencer par le voisin biélorusse, qui de toute façon n’a pas vraiment le choix. Le dictateur Loukachenko, très proche de Poutine, joue le rôle de supplétif dans l’invasion de l’Ukraine. Au risque de dissoudre la souveraineté de la Biélorussie. Les Biélorusses « méritent mieux » que de devenir les « vassaux » de la Russie, a réagi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Le président syrien Bachar Al-Assad de son côté salué l’invasion russe, comme on pouvait s’y attendre. L’homme fort d’une Syrie dévastée a toute une production d’ascenseurs à renvoyer au maître du Kremlin. La présidence syrienne a publié : « Ce qui se passe aujourd’hui est une correction de l’Histoire et un rétablissement de l’équilibre de l’ordre international après la chute de l’Union soviétique ».
L’Iran a quant à lui apporté un soutien considéré comme modéré à son allié russe. Tout en rejetant la faute sur le dos de l’Otan et des États-Unis, le ministre des Affaires étrangères iranien a déclaré que « nous ne considérons pas la guerre comme une solution ». La Corée du Nord fait la même analyse partielle des origines du conflit : les Américains disent-ils, sont « la cause profonde » de la guerre, car ils ont poursuivi une politique de « suprématie militaire au mépris de la demande légitime de la Russie pour sa sécurité ».
En Amérique latine, des amis de poids variable
« La Russie serre les rangs avec ses alliés d’Amérique latine, une région dans laquelle elle trouve le soutien international qu’elle n’obtient globalement pas dans le reste du monde, écrit le quotidien espagnol El País. Les gouvernements de Cuba, du Nicaragua et du Vénézuela se sont alignés sur Moscou après l’invasion de l’Ukraine. »
Au premier rang des flagorneurs se trouve le chef d’État vénézuélien Nicolas Maduro. « Que prétend le monde ? a-t-il lancé. Que le président Poutine demeure les bras croisés et n’agisse pas en défense de son peuple ? » Avant d’aboutir à sa conclusion habituelle, l’origine de tous les maux selon lui : « l’impérialisme nord-américain et de l’Otan ». Peu après cette première réaction épidermique, le gouvernement vénézuélien a toutefois manifesté sa « préoccupation face à l’aggravation de la crise ».
Le président cubain Miguel Díaz-Canel a quant à lui exprimé « son rejet de l’ingérence dans les affaires internes de la Russie comme de l’hystérie propagandiste ». Mieux encore, il a souhaité souligner « l’excellent état des relations bilatérales [avec la Russie] et la volonté de consolider le dialogue politique de haut niveau et les échanges dans de nombreux secteurs ». Quoiqu’aussi anecdotique, le soutien du président nicaraguayen Daniel Ortega est venu s’ajouter aux précédents. Le petit pays d’Amérique centrale a reçu la semaine dernière le président de la Duma, l’Assemblée russe, Vyacheslav Volodin. Celui-ci était de visite à Cuba juste avant. La« non-ingérence » défendue par ces gouvernements autoritaires contestés apparaît commode, au moins à court terme. C’est beaucoup moins certain à moyen terme.
Ami de poids, le Brésil dirigé par Jair Bolsonoro n’a pour l’instant pas de position claire. Le chef d’État brésilien s’est trouvé en contradiction avec son ministre des Affaires étrangères qui a réclamé la fin des hostilités. Et en opposition avec le vice-président Mourao qui avait déclaré que « le Brésil n’est pas d’accord avec une invasion du territoire ukrainien ». Bolsonaro a rapidement désavoué cette prise de position pour finalement défendre une certaine « neutralité ». Qui bien-sûr profite à l’agresseur. « Nous voulons la paix, mais nous ne voulons pas nous attirer des conséquences ici » a-t-il déclaré. Les intérêts commerciaux apparaissent ainsi comme un bon prétexte pour l’admirateur de l’homme fort qu’est Poutine. Pour combien de temps encore ?
Gaëtan Mortier
Crédit photo : ВО «Свобода» (licence Creative Commons)
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