Le prix du blé s’envole et son approvisionnement depuis l’Ukraine et la Russie est entravé. Les deux frères ennemis couvraient jusqu’à présent à eux seuls le tiers des exportations mondiales d’une céréale dont de de nombreux pays dépendent. L’ONU, le FMI et le G7 s’inquiètent de prochaines pénuries et famines en Afrique.
Les conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine s’annoncent sévères bien au-delà des frontières concernées. Plus indispensable que le gaz russe, le blé russe et ukrainien, nourrit plus sûrement que le premier… même si celui-ci sert également à la fabrication d’engrais. Le marché des céréales est en train de vivre un choc majeur, la mer Noire étant une région essentielle à l’approvisionnement international en blé. La Russie en est le premier exportateur mondial, une force développée en réaction avisée aux sanctions qui ont frappé le pays suite à l’invasion de la Crimée en 2014.
Du fait de la présence de la marine russe en Mer Noire et de la menace pesant sur ses ports, l’Ukraine ne peut exporter ses céréales. La Russie a elle choisi hier de restreindre ses exportations vers quatre ex-républiques soviétiques afin d’éviter des pénuries et une explosion des prix sur son territoire. Le Kremlin avait déjà décrété l’interdiction de la vente de céréales et d’engrais aux pays ayant pris des sanctions contre la Russie. Or, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), quatorze pays achètent plus de 80 % de leurs importations de blé aux deux belligérants.
L’Onu craint un « ouragan de famines » et l’instabilité politique
Aujourd’hui le cours du blé tendre continue son ascension brutale et a atteint un niveau record à 388 euros la tonne, alors qu’elle en valait 274 euros au début de l’année (cf graphique). Selon les experts de la FAO, les prix des aliments vont continuer de grimper d’au moins 20 %. Comme l’explique l’enseignant-chercheur Pierre Blanc, dans une interview à France 3, « l’insécurité alimentaire semble être un scénario probable ».
Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a eu des paroles plus inquiétantes encore : la guerre contre l’Ukraine fait encourir « un ouragan de famines » dans de nombreux pays et « l’effondrement du système alimentaire mondial ». Les répercussions du conflit vont frapper « le plus durement les plus pauvres et semer les germes de l’instabilité politique et de troubles dans le monde entier ».
Selon Pierre Blanc, avec sa formidable production de blé, la Russie « cherche des opportunités commerciales mais surtout un moyen de puissance. La Russie vend essentiellement en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Indonésie. Certains pays sont très dépendants de ces importations. (…) Une mainmise russe qui s’étend à l’Afrique noire avec retour d’ascenseur de ce « food power ». »
Appel du G7 contre les restrictions d’exportation
Quoiqu’il en soit « bon nombre de pays africains subissent déjà une grande insécurité alimentaire, a souligné la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva. Le Soudan, l’Éthiopie et toute la région de la Corne de l’Afrique sont en difficulté, ce que la flambée récente des prix des denrées alimentaires va accentuer ». Et de s’inquiéter aussi pour le premier importateur de blé d’Afrique, l’Égypte, dont 85 % des importations de blé provenaient en 2021 de Russie et d’Ukraine. Dans la liste des 5 pays les plus dépendants suivent l’Algérie, le Nigeria, le Maroc et le Soudan.
Comme le détaille un article de TV5Monde, l’Algérie a importé l’année dernière entre 7 et 11 millions de tonnes de blé. Si par le passé son principal fournisseur était la France, le pays s’est ensuite tourné vers l’Est. Du côté du Maroc, bien que sa dépendance soit moins importante, des sécheresses vont comme ailleurs affecter le rendement des productions locales.
A l’occasion d’une réunion extraordinaire vendredi dernier, les ministres de l’Agriculture du G7 se sont engagés à maintenir les marchés alimentaires ouverts. Dans une déclaration ils ont demandé « à éviter tous les signaux et mesures restrictives qui limiteraient les exportations et entraîneraient de nouvelles hausses de prix ». Ils ont en outre appelé « tous les pays à maintenir ouverts leurs marchés alimentaires et agricoles et à se prémunir contre les mesures restrictives injustifiées à l’exportation ».
Gaëtan Mortier
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