Alors que la guerre en Ukraine entre dans une nouvelle phase, avec la concentration de forces russes dans le Donbass, la question de la livraison d’armements lourds aux militaires ukrainiens devient prégnante. Jusqu’à présent, quels sont les pays qui se sont le plus investis dans la livraison d’armements à l’Ukraine ?
L’exceptionnelle résistance des forces ukrainiennes face à l’envahisseur russe est bien sûr due à la qualité de sa préparation, à sa volonté sans faille comme à son intelligence, mais aussi au montant colossal des aides militaires reçues d’une grosse poignée de pays amis. Ceux-ci ont jusqu’à présent fourni des armements plutôt légers, à commencer par une foule de missiles anti-chars, très utiles à courte portée, plutôt en zone urbaine.
La prétention de blitzkrieg russe ayant été rabrouée, la deuxième phase de l’offensive semble se concentrer pour l’instant dans l’Est du pays. Le terrain étant différent, plus ouvert, les besoins matériels ukrainiens correspondent plus que jamais à du matériel lourd, seul capable de stopper une percée massive de blindés. Un pas qui commence tout juste à être franchi par certains pays européens et les États-Unis.
Une première livraison de chars d’assaut
En déplacement à Bruxelles récemment, le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, a de nouveau réclamé des avions, des véhicules blindés comme des moyens de défense aérienne. Si la question des avions n’est pas d’actualité, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, réunis le 11 avril dernier à Bruxelles, ont décidé d’augmenter leurs livraisons d’armes. Ainsi l’UE s’apprête à livrer pour 500 millions d’euros d’armements, ce qui porte l’effort à 1,5 milliard d’euros depuis le début de la guerre. Le détail du contenu de l’aide n’est pas connu.
Dans le même temps la République Tchèque a été le premier pays à annoncer en début de mois la livraison aux Ukrainiens de chars d’assaut. Le Royaume-Uni va quant à lui envoyer 120 véhicules blindés et des missiles anti-navires, en plus de drones et des centaines de missiles antiaériens et antichars déjà livrés. Cette dernière semaine on apprenait aussi que la Slovaquie envisage une livraison de MiG-29, des avions de chasse de fabrication russe mais qui ont été rendus compatibles avec les standards Otan (cf Air&Cosmos).
En Allemagne, le gouvernement de coalition est divisé sur la livraison d’armes lourdes. Au sujet des chars, le ministère de la Défense allemand a dit ne pas avoir suffisamment de réserves. Alors que de nombreux reproches étaient émis sur la timidité du soutien allemand, vendredi soir le gouvernement faisait une annonce forte : plus d’un milliard d’euros d’aide militaire sera offert à l’Ukraine. De quoi effacer la polémique sur la livraison de missiles trop vieux pour être utiles. Au total, l’effort d’aide internationale de l’Allemagne dans le secteur de la défense atteindra les deux milliards d’euros.
« Un soutien militaire dans la durée »
La France a fait savoir cette semaine qu’elle avait livré pour près de 100 millions d’euros d’équipement militaire. La ministre des Armées, Florence Parly, a annoncé que Paris « fournira des capacités militaires additionnelles en complément ». Le ministère a précisé que « la France se prépare avec ses partenaires pour fournir à l’Ukraine un soutien militaire dans la durée, appuyé par la mobilisation de nos industries de défense ». Partenaires nombreux en Europe, comme en témoigne la liste des contributeurs.
Car dès les premiers jours de l’offensive russe la plupart des pays européens se sont mobilisés, essentiellement pour du matériel léger, dit à vocation défensive. Belgique, Croatie, Danemark, Pays-Bas, Portugal, pays baltes, Roumanie et d’autres ont rapidement fourni mitrailleuses, fusils d’assaut, pistolets, gilets pare-balles, mortiers, lance-roquettes, munitions, matériels divers… Le tout accompagné de plus ou moins de communication, ou au contraire en toute discrétion, plutôt recommandée pour ce genre d’opération. Une stratégie suivie par l’Otan, qui a apporté « un soutien significatif » en estimant « préférable de ne pas se montrer trop précis sur les armements fournis ».
Des armes qui prennent d’abord la direction de la Pologne, comme l’explique Daniel Szeligowski, chercheur à l’Institut polonais des affaires internationales, interviewé par Radio France : « La Pologne est devenue de facto un hub, la plaque tournante pour fournir les armes occidentales à l’Ukraine. Toutes les fournitures de l’Otan et des États-Unis atterrissent dans le sud-est polonais puis sont transférées par voie terrestre dans l’ouest de l’Ukraine. » Une contribution massive et essentielle qui contraste avec le refus hongrois de laisser transiter sur son territoire des armes à destination du voisin ukrainien.
800 millions de dollars d’équipements militaires américains en plus
Hors Europe, les soutien vient essentiellement en provenance des États-Unis, dans une tout autre mesure du Canada, de l’Australie et du Japon. Joe Biden vient d’annoncer une nouvelle aide militaire à hauteur de 800 millions de dollars, notamment des équipements lourds. Pour la première fois les États-Unis fourniront de l’artillerie, dont les Ukrainiens ont grandement besoin. Des pièces d’artillerie de dernière génération accompagnées de 40.000 obus, de 10 radars anti-artillerie mobiles et de deux radars anti-aériens. Autres nouveautés en cours de transfert, des navires ou « drones » flottants de défense côtière seront transférés, ainsi que des hélicoptères. A cela s’ajoutent 200 véhicules blindés de transport, 300 drones « kamikazes », 500 missiles Javelin et « des milliers d’autres systèmes antichars ».
Des nouvelles capacités qui s’ajoutent aux dons précédents. Selon le Département d’État, le soutien militaire à l’Ukraine atteignait début mars le milliard de dollars en l’espace d’une année. Le Monde précise que cette aide est à mettre en perspective : « L’aide militaire totale accordée par les États-Unis à Kaboul a été estimée à 73 milliards de dollars entre 2001 et 2020, soit une moyenne de 3,8 milliards par an ». Une fortune pour une déroute.
Pour sa part le Canada annonçait fin février un troisième envoi d’aide militaire « létale et non létale ». La première livraison dépassait à peine les 6 millions de dollars. Ottawa a été prié par les Ukrainiens d’en faire davantage. Au total le montant de l’aide canadienne atteignait les 53,5 millions de dollars début avril (cf La Presse, « L’aide militaire se rend, mais on ne vous dira pas comment »). L’aide militaire canadienne apparaît toutefois limitée par un manque de capacités.
A noter enfin une modeste participation du Japon, qui pour la première fois de son histoire apporte une aide militaire à un autre État. Une aide demeurant toutefois non létale. L’archipel nippon est sous tension croissante, à la fois face à la menace chinoise et russe. La Russie multiplie en effet les manœuvres militaires à proximité de l’archipel des Kouriles, au nord du Japon (cf RFI : « Les Japonais inquiets face aux intimidations militaires russes »). Un autre point chaud rougeoyant discrètement.
Gaëtan Mortier
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