Finlande, Suède : une adhésion à l’Otan toujours soumise au bon vouloir de la Turquie

Finlande, Suède : une adhésion à l’Otan toujours soumise au bon vouloir de la Turquie

Cela fait bientôt trois mois que l’adhésion en « urgence » à l’Otan des deux pays d’Europe du nord est bloquée par la Turquie, seul pays à y faire obstacle. Une nouvelle réunion entre les parties n’a pas encore permis de débloquer la situation. Selon la Turquie, Suède et Finlande tardent à extrader les « terroristes » du Parti des travailleurs kurdes (PKK) réfugiés chez eux, malgré leur engagement en ce sens.

Le feuilleton dure depuis la mi-mai, quand la Suède et la Finlande ont finalisé leur demande d’adhésion à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, seul barrage crédible contre la menace russe. Gagnés par une peur compréhensible, les deux pays nord-européens espéraient se mettre à l’abri rapidement. Pour cela ils ont besoin de la ratification des 30 pays membres de l’Alliance. A ce jour 23 pays ont achevé ce processus, qui est toujours en cours dans les pays suivants : Espagne, Grèce, Hongrie, Portugal, République tchèque et Slovaquie.

C’était sans compter sur l’actuel trublion de l’Otan, toujours prompt à marchander son rôle d’allié : la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. En parallèle, il semble que sa volonté d’éradication des groupes armés du PKK et des YPG de Syrie (autre mouvement armé kurde) n’ait pas été suffisamment prise au sérieux par les aspirants à la protection militaire ultime. Ou, du moins, que des raisons de politique intérieure et de protection des réfugiés politiques ne leur permettent pas de réagir avec la force et la célérité exigées par Ankara.

« Le PKK est bien implanté dans ces deux pays qui abritent plusieurs associations influentes et une riche production culturelle, souligne le docteur en science politique Hardy Mède, interrogé par France 24 (Otan : qui sont les « terroristes » réclamés par la Turquie à la Finlande et à la Suède ?). Conscient de l’influence grandissante de son opposition en dehors de ses frontières, le pouvoir turc a multiplié ces dernières années les procédures judiciaires pour tenter d’obtenir l’extradition de ceux qu’il considère comme des adversaires politiques. De nombreuses requêtes ont été déposées en Suède, en France, en Allemagne ou bien encore aux États-Unis, sans succès ou presque ».

Grosse pression contre réaction lente

Une réunion formelle entre les trois pays s’est tenue le 26 août à Helsinki. La Finlande et la Suède « ont réitéré leur engagement, consigné dans le mémorandum trilatéral (signé fin juin ; voir plus bas), à faire preuve d’une solidarité et d’une coopération totales avec la Turquie dans la lutte contre toutes les formes et manifestations de terrorisme », indique un communiqué turc. Le cas de suspects accusés d’avoir participé à la tentative de coup d’État de 2016 sera examiné, tout comme celui de militants kurdes, a-t-il été promis une nouvelle fois.

Si la presse internationale commente beaucoup l’impatience turque, très peu d’informations circulent sur les concessions éventuellement faites par les deux pays européens. Peu d’extraditions ont eu lieu à ce jour, ce qui a fait réagir le ministre turc de la Justice, Bekir Bozdag : « S’ils pensent pouvoir faire croire à la Turquie qu’ils ont tenu leurs promesses en extradant des criminels de droit commun, ils se trompent. »

La réunion aurait cependant permis d’établir ou d’améliorer la coopération entre les institutions concernées. Comme l’avait déclaré en juin dernier Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, les efforts finlandais et suédois doivent inclure « la poursuite de la modification de leur législation nationale, la répression des activités du PKK et la conclusion d’un accord d’extradition avec la Turquie ».

« Une nouvelle ère de compétition stratégique »

La déclaration du norvégien Stoltenberg (dont le pays est un membre fondateur de l’Otan en 1949) dénotait une certaine impatience, déjà le 28 juin dernier. Ce jour-là s’ouvrait à Madrid le sommet de l’Alliance, entrée dans « une nouvelle ère de compétition stratégique ». En plus du renforcement du front face à la Russie, l’Otan se préoccupe plus que jamais de la Chine, qualifiée dans la déclaration commune de défi à la « sécurité » et aux « valeurs » des membres.

A l’occasion de cette réunion hautement importante, la Turquie a décidé de lever son veto à l’entrée de la Finlande et de la Suède, qu’elle empêchait sans ambages depuis un mois et demi. Cela a abouti à la signature d’un Mémorandum trilatéral afin d’avancer sur leur coopération en matière de sécurité, avec la création d’un mécanisme conjoint de supervision. Une délicate avancée permettant au sommet de ne pas se clore sur une note amère. Après le blocage à l’heure de l’urgence, la Turquie se devait de lâcher du lest, pour entamer un sévère marchandage… dont les résultats tardent à venir.

Dès lors lancé, le processus d’adhésion de la Finlande et de la Suède a été qualifié de « jour historique pour la sécurité euro-atlantique » par Jens Stoltenberg. L’histoire retiendra surtout le jour de l’adhésion formelle, une fois les obstacles aplanis, d’ici la fin de l’année ? Il paraîtrait aussi impensable qu’irresponsable qu’un terrain d’entente ne puisse être trouvé avant l’hiver. Quoi qu’il en soit, le ministère finlandais des Affaires étrangères a informé qu’une nouvelle rencontre tripartite se tiendra à l’automne.

Gaëtan Mortier

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