Les trente pays membres de l’Otan se sont réunis les 12 et 13 octobre derniers à Bruxelles, moins de quatre mois après le sommet de Madrid. Au-delà d’une réponse forte à la menace russe d’employer l’arme nucléaire en Ukraine, ils ont convenu de renforcer le flanc Est de l’alliance et d’accroître la sécurité des infrastructures essentielles.
Deux jours n’auront sûrement pas été de trop pour les ministres de la Défense réunis afin d’aborder tous les enjeux sécuritaires et militaires brûlants. C’est la troisième fois que l’Otan se réunit cette année, après le sommet extraordinaire du mois de mars, dans la foulée de l’invasion russe de l’Ukraine, puis le sommet de Madrid en juin. A cette occasion le concept stratégique avait été actualisé, avec mention nouvelle pour la Chine qui « affiche des ambitions et mène des politiques coercitives qui sont contraires à nos intérêts, à notre sécurité et à nos valeurs ». Mais l’urgence se situe bien-sûr du côté de la Russie, et décision a été prise de constituer d’ici 2023 une nouvelle force de 300.000 hommes, prépositionnée et prête à être déployée rapidement.
Priorité à la défense anti-aérienne
Le soutien fort et durable à l’Ukraine a été réaffirmé à Bruxelles, et de nouveaux matériels seront déployés. L’accent a été mis sur la défense anti-aérienne, notamment les moyens d’interception des missiles russes. L’Otan livrera également des systèmes équipés de brouilleurs capables de neutraliser les drones russes et iraniens. Le secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg, a cependant tenu à rappeler que « l’Otan n’est pas parti au conflit. Mais notre soutien joue un rôle important ».
Les 30 alliés, accompagnés des prétendants finlandais et suédois, ont aussi décidé d’augmenter leurs faibles stocks de munitions. Autre point essentiel à l’ordre du jour : le renforcement de la surveillance des infrastructures sous-marines et énergétiques, après le sabotage des gazoducs Nord Stream. L’Otan a ainsi doublé sa présence en mer Baltique.
En parallèle, 15 pays membres de l’alliance ont lancé l’initiative « Bouclier du ciel européen », dont l’objectif est d’acquérir en commun des systèmes de défense anti-aérienne. Un élan proposé par une Allemagne extirpée violemment d’un sommeil anti-militariste hanté de culpabilité. Désormais l’Allemagne se propose de devenir « la force armée la mieux équipée d’Europe », selon le chancelier Olaf Scholtz. Que de chemin à parcourir cependant ! Ne lui manquerait plus qu’à adopter le nucléaire civil pour que révolution et reniement se conjuguent avec pragmatisme pour faire face à un très douloureux renversement de situation.
De son côté la France a de nouveau annoncé le renforcement par petites touches de sa présence militaire en Roumanie, dans le cadre de l’Otan. Après de très modestes renforts en hommes, une compagnie de véhicules blindés et une douzaine de chars Leclerc seront très bientôt envoyés à l’Est. Avec le déploiement d’avions de chasse Rafale, « nous allons également continuer à renforcer notre posture de défense en Lituanie » a déclaré le ministre des Armées Sébastien Lecornu, lors d’une récente audition parlementaire. Toujours dans le cadre de l’Otan, une compagnie d’infanterie légère sera envoyée en Estonie.
« Une réponse militaire si puissante… »
Les plus récents propos de Vladimir Poutine au sujet de l’utilisation possible d’une bombe atomique en Ukraine ont cette fois-ci provoqué des réponses verbales fortes. « La rhétorique nucléaire de la Russie est dangereuse, imprudente, et elle sait que si elle utilise l’arme nucléaire contre l’Ukraine, cela aura de graves conséquences » a déclaré le secrétaire général de l’Otan. Il faut donc croire que les pays membres de l’Otan seraient amenés à intervenir contre les troupes russes en action sur le territoire ukrainien. Une fois n’est pas coutume, Josep Borrell, le Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, a musclé son discours jeudi dernier : « Toute attaque nucléaire contre l’Ukraine entraînera une réponse, pas une réponse nucléaire, mais une réponse militaire si puissante que l’armée russe sera anéantie ». Cela signifie l’armée de terre occupante, et au passage toute la marine russe présente en Mer Noire.
Que ce soit côté Otan ou côté Russie, des exercices nucléaires de « routine » vont avoir lieu très prochainement. Plus précisément un « exercice ordinaire annuel de préparation nucléaire » selon les mots de M. Stoltenberg, qui impliquera la semaine prochaine en Belgique une cinquantaine d’avions de chasse appartenant à une dizaine de pays. La Russie a également l’habitude d’exercices annuels en automne. Si la menace de l’utilisation d’une bombe nucléaire tactique n’a jamais été aussi explicite, des experts doutent beaucoup de son utilité militaire sur un champ de bataille très étendu. De plus, les représailles de l’Otan qui s’ensuivraient, puis l’envoi probable aux militaires ukrainiens d’armements encore plus lourds, compromettraient davantage les chances russes de l’emporter. Ceci dit, aucune option militaire ne saurait plus être négligée.
Gaëtan Mortier
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