Les perspectives de croissance pour 2023 ont encore été revues à la baisse. Dans un rapport publié ce mois-ci, l’OCDE souligne que « le fardeau des prix plus élevés de l’énergie et du gaz ainsi que la politique de zéro Covid en Chine impliquent une croissance plus faible et une inflation plus élevée et persistante. » Si l’Europe est le continent le plus touché par la baisse de la croissance, la Chine s’enraye, tandis que l’Inde et certains pays d’Asie du Sud-Est tirent leur épingle du jeu.
Avec en toile de fond la guerre en Ukraine, l’année 2023 connaîtra une décélération accentuée de la croissance mondiale par rapport à 2022, ainsi qu’une inflation élevée. Selon les dernières perspectives publiées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le produit intérieur brut mondial devrait croître de seulement 2,2 %, contre 3,1 % cette année. Cependant « une incertitude importante entoure ces projections économiques » prévient l’OCDE. Dans le pire des scénarios, si une pénurie d’énergie devait avoir lieu pendant l’hiver, cette croissance pourrait se situer sous les 2 % et le PIB mondial pourrait même reculer de 10 %. « Les hausses de taux d’intérêt, nécessaires pour juguler l’inflation, accentuent les vulnérabilités financières. La guerre que mène la Russie en Ukraine accroît les risques de surendettement dans les pays à faible revenu, mais aussi l’insécurité alimentaire » lit-on dans le rapport.
L’Europe chute, les pays exportateurs de pétrole s’en sortent
Selon les projections de l’OCDE comme du FMI, l’Europe devrait être la région la plus touchée au monde par le ralentissement économique. La croissance dans la zone euro devrait se situer autour de 0,5 % en 2023, contre 3,3 % prévus pour 2022. Avec une contraction attendue du PIB de 0,3 % pour 2023, la chute de l’Allemagne est la plus notable, du fait de la dépendance envers le gaz russe qu’elle a entretenue de longues années durant. A l’opposé, la Grèce avec 1,6 %, la Hongrie avec 1,5 % et l’Espagne avec 1,3 % s’en sortiraient le moins mal. En revanche la France devrait se situer vers un médiocre 0,6 % et l’Italie 0,2 %. Dans un rapport publié en octobre, le FMI a estimé que la France devrait mettre fin au « quoiqu’il en coûte » pour privilégier « un soutien budgétaire plus ciblé et temporaire ». Hors Union Européenne, le Royaume-Uni s’oriente vers une récession de 0,4 %.
Du côte de l’Amérique du nord, les États-Unis plafonneraient à 0,5 % alors que le voisin mexicain atteindrait les 1,6 %. Parmi les pays de l’OCDE aux perspectives immédiates les moins sombres, on trouve la Turquie (3%), Israël (2,8%), l’Australie (1,9%) ou encore le Japon (1,8%). En ce qui concerne l’Amérique latine, à la recherche d’un nouveau souffle, un de nos articles récents y est dédié.
En Afrique subsaharienne, la croissance devrait poursuivre son ralentissement pour se situer autour de 3,7 %. Le FMI souligne le danger de la dette, qui a atteint des niveaux inédits depuis des décennies. En 2021-2022 elle a atteint les 70 % du PIB, contre environ 60 % en 2019. Le Sénégal (8,1%), la République Démocratique du Congo (6,7%) et la Côte d’Ivoire (6,5%) tireront la croissance vers le haut grâce aux productions de pétrole ou de gaz. Au-delà des chiffres, les institutions internationales s’inquiètent pour la sécurité alimentaire du continent. Quant aux pays non pétroliers d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, ils connaissent un ralentissement graduel, tandis que les pays exportateurs de pétrole bénéficient de la hausse des prix, avec à leur tête l’Arabie Saoudite.
La Chine s’entrave, l’Inde redécolle
Empêtrée dans sa gestion radicale de l’épidémie de Covid, socialement et économiquement intenable, la Chine se fait payer à elle-même un prix très élevé. « Croissance en Asie : la Chine n’est plus le moteur, l’Asie du Sud-Est et l’Inde prennent le relais » titre le site spécialisé Asialyst. La croissance de la Chine devrait se situer entre 2,8 et 3,2 %, un niveau historiquement bas depuis les années 70. « Pour juger si ce nouveau paysage n’est que conjoncturel, il faudrait être dans la tête de Xi Jinping, et savoir si le retour au pragmatisme est possible en Chine. » La politique zéro Covid coûterait de 1 à 2 points de PIB. L’autre explication immédiate est le resserrement brutal depuis 2020 des conditions de financement de l’immobilier. À moyen et long terme, l’analyse souligne également les effets négatifs du ralentissement démographique, de la compétition technologique avec l’Occident et « la priorité absolue donnée au secteur public qui va très probablement avoir un impact négatif sur la productivité. (…) Pour le Parti communiste chinois, la croissance n’est plus l’unique priorité : elle passe désormais après la sécurité nationale et la lutte pour le leadership mondial ».
Les principaux pays d’Asie du Sud-Est sont décrits comme étant en phase de rattrapage rapide à partir du début 2022. Cette année, les trois économies les plus vigoureuses sont le Vietnam (7,2 % de hausse du PIB), les Philippines (6,5%) et la Malaisie (6,4%), avec des prévisions similaires pour 2023. Exportatrice d’énergie, l’Indonésie s’en sort bien également, à contrario d’autres pays qui subissent une croissance très faible, voire une importante récession.
En parallèle l’Inde sort du lot et son PIB augmente désormais plus rapidement que celui de son rival chinois. Bien qu’elle ait connu une profonde récession de 7,6 %, elle rebondit en 2022 à 6,8 % et devrait se situer entre 6 et 7 % l’année prochaine. La presse économique souligne toutefois que le géant indien, qui deviendra en 2023 le pays le plus peuplé au monde avec 1,4 milliard d’habitants, devra relever de nombreux défis. À commencer par la maîtrise d’une urbanisation galopante pour un pays qui demeure majoritairement rural, et des investissements massifs à réaliser dans les infrastructures. En 2027 son PIB devrait dépasser celui du Japon et de l’Allemagne. L’Inde sera alors la troisième puissance économique mondiale.
Gaëtan Mortier
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