L’embargo sur le pétrole russe décrété par l’UE et le G7

L’embargo sur le pétrole russe décrété par l’UE et le G7

Depuis le 5 décembre, l’Union européenne et les pays du G7 ont mis en application un embargo sur l’essentiel de leurs importations de pétrole russe. À cela s’ajoute le plafonnement de son prix à 60 dollars le baril sur le marché mondial. En prévision de l’application de cette décision, les pays européens sont parvenus à diversifier leurs fournisseurs.

Après l’embargo sur le charbon russe décidé cet été, voici venue l’heure de l’embargo sur le pétrole russe, manne considérable pour le Kremlin. Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie a en effet gagné 67 milliards d’euros grâce à ses ventes de pétrole aux pays de l’Union européenne. La mesure entrée en vigueur porte plus précisément sur 90 % des importations d’or noir, car elle ne concerne que celles effectuées par voie maritime. Les livraisons parvenant par oléoduc bénéficient quant à elle d’une exception afin de permettre à des pays « enclavés », sans accès à la mer, d’être alimentés. Le compromis permet notamment à la Hongrie, la Slovaquie et la République Tchèque de continuer à être fournis.

Depuis le début de l’offensive russe en février jusqu’à son net reflux face à la contre-offensive ukrainienne à la fin de l’été, les importations de brut russe avaient déjà connu une chute d’environ 40 %. Le gaz russe, qui en 2021 représentait 45 % des importations de l’UE, est quant à lui épargné par une telle mesure. Cependant ce sont les Russes qui ont décidé d’en réduire drastiquement les livraisons, dont le volume a été divisé par cinq depuis le début de l’année.

60 dollars le baril russe de brut : encore trop cher ?

A l’embargo s’ajoute le plafonnement du prix du baril de brut russe à 60 dollars, « prix maximum auquel un pays tiers pourra acheter le pétrole russe tout en ayant accès aux assurances et autres services nécessaires pour le transport maritime », explique le Figaro. Cette mesure « répond au dilemme : comment sanctionner le deuxième exportateur mondial de brut sans se sanctionner soi-même ? ». Car, explique le quotidien, les coûts de production russes demeurent sensiblement inférieurs à ce montant. Un édito du Monde explique que « les Occidentaux n’ont aucun intérêt à déstabiliser la production mondiale. Sans plus aucune goutte de pétrole russe, ses prix exploseraient en causant d’énormes dégâts sur les économies du G7. »

Un prix que l’Ukraine, comme la Pologne et les états baltes, auraient aimé voir plus bas. Interviewée par l’Opinion, Natalia Shapoval, présidente de l’Institut KSE, un centre de recherche de la Kyiv School of Economics, avance que ce plafond à 60 dollars « est plutôt un test du nouveau mécanisme qu’un véritable coup porté à l’économie russe ». Le centre de recherche a étudié trois scénarii sur la base de plafonds à 75, 55 et 35 dollars. Le premier apparaît inoffensif pour le Kremlin. Avec le deuxième « le budget russe serait en baisse de l’équivalent de 6 % de son PIB ». Avec un prix plafonné à 35 dollars, « le scénario préférable », « les revenus pétroliers et gaziers russes tomberont à 100 milliards de dollars en 2023, soit 2,5 fois moins qu’en 2021 ». Sans pour autant que la Russie perde un intérêt à produire et à exporter.

Une prompte diversification des approvisionnements

L’embargo de l’UE sur son pétrole incite la Russie à chercher de nouveaux marchés. Il va ainsi accroître une réorientation des flux pétroliers mondiaux, explique Francis Perrin, directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques : « Une réorientation des flux pétroliers mondiaux est en cours avec plus de pétrole russe vers l’Asie, et plus d’importations pétrolières européennes venant des États-Unis, du Moyen-Orient ou de l’Afrique. » Les nouveaux clients sont avant tout chinois, indiens et turques. Les Européens ont de leur côté su diversifier rapidement leurs approvisionnements. Des accords gaziers ont ainsi été conclus avec les États-Unis, l’Égypte, Israël et l’Azerbaïdjan. « Un nouveau gazoduc, le Baltic Pipe, a été inauguré récemment et il relie la Norvège, qui est devenue en 2022 le premier fournisseur de gaz de l’UE, au Danemark et la Pologne », ajoute-t-il. Il note de surcroît l’importance des accords bilatéraux signés entre pays européens et pays gaziers. Le chercheur conclut qu’« il sera beaucoup plus difficile pour la Russie de se passer du marché européen pour écouler son gaz naturel que pour l’UE de se passer du gaz russe ». La pression sur la Russie n’a jamais été aussi forte afin de réduire sa capacité de destruction en Ukraine. Elle se renforcera encore l’année prochaine, puisque entrera en vigueur le 5 février 2023 un embargo européen sur les produits raffinés russes.

Gaëtan Mortier

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