Moins de trois mois après la signature d’un accord de cessation des hostilités entre le gouvernement éthiopien d’Abiy Ahmed et les rebelles du Front populaire de libération du Tigré (FPLT), les ministres française et allemande des Affaires étrangères ont effectué une visite officielle à Addis-Abeba les 12 et 13 janvier derniers.
Soutenir le processus de paix et repositionner la France, l’Allemagne comme l’Union européenne en Éthiopie après deux ans d’une terrible guerre civile, tels étaient les objectifs principaux de cette visite. Catherine Colonna et Annalena Baerbock ont notamment échangé avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le président de la commission de l’Union Africaine Moussa Faki Mahamat. « Les États membres ont exprimé leur souhait d’un réengagement progressif en Éthiopie, à condition que le processus de paix continue de donner des résultats, notamment en matière de justice et de lutte contre l’impunité », a déclaré Mme Colonna.
Le conflit au Tigré, région de l’Éthiopie (lire notre article de décembre 2020), a fait plusieurs centaines de milliers de morts, il a déplacé plus de deux millions d’Éthiopiens menacés d’exactions massives de la part des deux camps, mais aussi de famine, menace qui n’a pas encore disparu aujourd’hui. Le 2 novembre 2022, un accord de cessation des hostilités a été signé, impliquant un désarmement en deux phases des insurgés tigréens, vaincus militairement. Des accords qualifiés de « souples et imprécis » par le Figaro, ce qui peut être un défaut comme une qualité par son potentiel d’adaptation à une situation d’une extrême complexité. Pour The Conversation, qui publie un article détaillé sur les enjeux présents et futurs de l’hyper-conflictualité en Éthiopie (« Éthiopie : quelle paix pour le conflit le plus meurtrier au monde ? »), « cet accord a permis la cessation des hostilités, mais ne définit pas les conditions d’une paix durable. Surtout, sa mise en œuvre pourrait buter sur des obstacles importants. »
La question épineuse des forces armées érythréennes
Si le bilan à court terme des accords de Pretoria est jugé positif, si les rebelles tigréens ont commencé à rendre leurs armes lourdes et retiré une majorité de leurs combattants des lignes de front, l’inquiétude demeure très vive pour le devenir en paix de l’Éthiopie. Le spécialiste des relations internationales Pascal Boniface explique en effet : « Il reste une interrogation : que va faire l’Érythrée ? L’armée érythréenne a participé à la guerre aux côtés de l’armée éthiopienne, mais elle n’a pas été associée aux négociations. Et on sait que l’Érythrée est un pays parfaitement totalitaire qui ne comprend que le langage de la force. »
Les accords prévoient le retrait du Tigré des forces « étrangères ou non fédérales », ce qui est loin d’être acquis selon les analystes. Le retrait concerne également des milices amharas, du nom de la région voisine, qui ont envahi la partie occidentale du Tigré en appui aux forces fédérales, mais qui revendiquent ces terres fertiles. Sur le plan politique, ils prévoient que le FPLT ne soit plus considéré comme terroriste, afin qu’il puisse participer avec le gouvernement à la création d’une administration intérimaire. L’horizon apparaît incertain, tandis qu’une autre menace plane sur l’Éthiopie : le spectre d’une nouvelle guerre civile rode dans la région Oromia, la plus peuplée du pays. L’Armée de libération oromo est en rébellion depuis trois ans contre le gouvernement fédéral et les forces amhara, dans un contexte de rivalités territoriales et ethniques aujourd’hui brûlant.
G.M.
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