L’Arabie saoudite et l’Iran ont officialisé la semaine dernière la réouverture imminente de leurs représentations diplomatiques, dans la foulée d’un réchauffement parrainé par la Chine.
Le rapprochement des deux puissances rivales du Moyen-Orient est une petite révolution, ou du moins une grande évolution, qui vient contrarier la politique d’isolement de l’Iran voulue par les États-Unis et Israël. Pire encore du point de vue américain, la Chine a joué un rôle central dans ce succès diplomatique. L’issue positive de pourparlers organisés par Pékin a été annoncée le 10 mars dernier à la surprise générale. Les deux pays avaient rompu leurs liens en 2016 après le saccage de l’ambassade saoudienne à Téhéran, point de rupture d’une rivalité devenue historique depuis la révolution islamique iranienne de 1979.
Au-delà de la réouverture des ambassades, l’Arabie saoudite et l’Iran souhaitent reprendre la mise en œuvre d’accords de coopération économique et de sécurité signés il y a une vingtaine d’années. Le roi Salmane d’Arabie saoudite recevra prochainement à Riyad le président iranien Ebrahim Raïssi pour sceller ce renouveau.
Une porte ouverte à la paix au Yémen ?
Les conséquences immédiates les plus attendues de ce réchauffement entre la monarchie sunnite et la République islamique chiite se situent du côté du Yémen. Depuis 2015, l’Arabie saoudite y mène à grands frais et sans résultat militaire une guerre contre la rébellion houtie soutenue par l’Iran. Le conflit a provoqué ce que les Nations Unies ont qualifié en 2021 de pire catastrophe humanitaire en cours dans le monde. Les rebelles contrôlent toujours une grande partie du pays et la capitale Saana, et sont donc en position de force. Ces dernières années des négociations progressaient avec l’appui de l’administration américaine et de l’Onu.
Lundi dernier l’ambassadeur d’Arabie saoudite au Yémen a été reçu à Saana par le chef politique des rebelles. Des médiateurs omanais étaient également présents pour faciliter un accord sur la prolongation d’une trêve respectée depuis un an, mais expirée depuis octobre 2022. Ayant perdu tout espoir de s’imposer militairement, l’Arabie saoudite cherche depuis longtemps une porte de sortie. Elle souhaite également multiplier ses alliances, quitte à déranger son allié américain, avec lequel les relations ne sont plus au beau fixe. De part et d’autre, beaucoup d’amertume demeure suite à l’assassinat par des agents saoudiens du journaliste et dissident Jamal Kashoggi en 2018. La direction du renseignement américain avait accusé le prince héritier Mohammed ben Salman d’avoir « approuvé » l’opération.
De son côté l’Iran parvient à renouer des liens au Moyen-Orient. Les relations diplomatiques ont ainsi été relancées avec les Émirats arabes unis et le Koweït ; Bahreïn et l’Égypte pourraient suivre. Soit la forte probabilité d’entraver les tentatives américaines de créer une coalition régionale contre l’Iran. Et de contrarier Israël dans le processus de normalisation lancé avec certains pays arabes par les accords d’Abraham.
G.M.
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