Ce projet de loi choc vous forcera à travailler jusqu’à 70 ans

Le gouvernement français a présenté un projet de loi majeur visant à transformer l’emploi des seniors. Dévoilé le 7 mai en conseil des ministres, ce texte propose des solutions innovantes pour maintenir les travailleurs expérimentés plus longtemps dans la vie active. Avec seulement 35% des Français de plus de 60 ans en activité professionnelle, contre 70% dans certains pays nordiques, la France cherche à combler son retard. Ce projet ambitieux devrait entrer en application dès septembre 2025 et pourrait redéfinir notre conception du travail en fin de carrière.
La révolution de l’emploi senior en marche
Le projet législatif « portant transposition des ANI en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social » marque un tournant dans la politique de l’emploi française. Présenté début mai, ce texte sera examiné au Sénat dès le 5 juin, témoignant de la volonté gouvernementale d’accélérer sa mise en œuvre.
Au cœur de cette réforme figure le nouveau contrat de « valorisation de l’expérience » (CVE). Ce dispositif inédit cible spécifiquement les personnes ayant dépassé 60 ans. Il vise à capitaliser sur leurs compétences acquises tout en répondant aux besoins croissants des entreprises en expertises spécifiques.
Astrid Panosyan-Bouvet, porte-parole du gouvernement sur ce dossier, souligne les progrès déjà réalisés : « Nous avons beaucoup progressé sur le taux d’emploi des 55-59 ans depuis la réforme des retraites de 2010 et celle de 2023. » Cette progression encourageante reste néanmoins insuffisante pour les tranches d’âge supérieures.
La réforme s’appuie sur un accord national interprofessionnel (ANI) signé en novembre 2024 par la majorité des organisations patronales et syndicales, dont le Medef, la CPME, l’U2P, la CFDT et FO. La CGT fait figure d’exception en refusant de s’associer à cette démarche, illustrant les tensions persistantes autour de la question du travail des seniors.
Des mesures concrètes pour prolonger la vie active
L’extension de la retraite progressive constitue l’une des innovations majeures de ce projet. Ce dispositif devient accessible quatre ans avant l’âge légal de départ, sous réserve de l’accord de l’employeur. Cette flexibilité permettrait aux salariés de réduire progressivement leur temps de travail tout en commençant à percevoir une partie de leur pension.
Actuellement, seulement 0,5% des retraités français utilisent cette option, un chiffre que le gouvernement juge insuffisant. Pour en bénéficier aujourd’hui, il faut avoir validé au minimum 150 trimestres et atteint l’âge de 60 ans – bientôt 62 ans après la récente réforme.
Le projet introduit également des entretiens professionnels obligatoires à 45 ans, puis entre 58 et 60 ans. Ces rendez-vous carrière visent à anticiper l’évolution professionnelle des salariés et à faciliter les transitions vers la dernière partie de leur vie active.
Dans le domaine du dialogue social, une modification significative concerne la suppression du plafond limitant à trois le nombre de mandats successifs pour les élus du Comité social et économique (CSE). Cette mesure favorise la continuité de l’expertise au sein des instances représentatives du personnel.
L’assurance chômage connaît également des ajustements avec la réduction de six à cinq mois de la durée minimale d’affiliation pour les primo-entrants sur le marché du travail. Cette adaptation vise à faciliter l’accès aux droits pour les nouveaux actifs.
Les défis de l’emploi après 60 ans
Le faible taux d’activité des plus de 60 ans en France reflète des défis structurels profonds. Malgré un âge légal de départ à la retraite récemment relevé, le pays accuse un retard considérable par rapport aux nations nordiques où jusqu’à 70% des seniors restent professionnellement actifs.
Cette situation paradoxale s’explique en partie par la complexité des dispositifs existants. « Les dispositifs existants sont trop complexes, trop peu utilisés pour certains », reconnaît Astrid Panosyan-Bouvet. L’ambition gouvernementale vise donc à simplifier ces mécanismes tout en les adaptant aux réalités économiques actuelles.
Les organisations syndicales expriment des réserves face à certains aspects du projet. Elles critiquent notamment le passage à 62 ans pour l’accès à la retraite progressive et demandent l’extension de ces mesures à la fonction publique, actuellement exclue du dispositif.
Le gouvernement a promis la publication des décrets d’application dès juin pour une entrée en vigueur au 1er septembre 2025. Cette mise en œuvre rapide témoigne de l’urgence perçue face au vieillissement démographique et aux tensions sur le financement des retraites.
Vers un nouveau modèle de fin de carrière
Ce projet de loi marque potentiellement un tournant dans notre conception de la fin de vie professionnelle. En proposant des solutions flexibles et adaptées aux réalités du marché, il pourrait contribuer à l’émergence d’un nouveau paradigme du travail senior.
L’enjeu dépasse largement la simple question de l’équilibre des régimes de retraite. Il touche à la valorisation de l’expérience dans une économie en mutation rapide. Les travailleurs expérimentés représentent un capital précieux de savoir-faire que les entreprises ne peuvent se permettre de négliger face aux défis de compétitivité.
La réussite de cette réforme dépendra largement de l’adhésion des entreprises et des salariés concernés. Au-delà des dispositifs légaux, c’est toute une culture du travail qu’il faudra faire évoluer pour permettre une meilleure intégration des seniors dans les organisations.
Avec ce texte ambitieux, la France tente de rattraper son retard tout en définissant sa propre voie. Le débat parlementaire qui s’ouvrira prochainement permettra de mesurer la détermination politique à transformer durablement le rapport au travail après 60 ans.