Fonds souverains ivoiriens : une mauvaise lecture de La Lettre du Continent ?

Fonds souverains ivoiriens : une mauvaise lecture de La Lettre du Continent ?

Le torchon brûle depuis 15 jours entre la présidence ivoirienne et le bimensuel La Lettre du continent en raison de la parution d’un article qui met en cause la bonne gestion budgétaire de l’exécutif. Selon le média basé à Paris, mais dont les « révélations » ont été largement commentées en Côte d’Ivoire, le président Ouattara se serait arrogé un fonds de 342,6 milliards de Fcfa (521 millions d’euros). Une lecture des comptes publics qui n’est « pas conforme à la réalité » et qui « amalgame » des lignes budgétaires, selon la présidence qui a tenu à faire valoir son droit de réponse. 

La parution d’un papier dans La Lettre du continent, le 30 août dernier, a mis en difficulté l’exécutif ivoirien accusé de largesses budgétaires pour le compte du président Alassane Ouattara. Selon le bimensuel, le Chef de l’Etat ivoirien disposerait d’un fonds souverain de 342,6 milliards Fcfa (521 millions d’euros), c’est-à-dire de fonds dont l’utilisation est à la seule discrétion du président. Il s’agit là d’une enveloppe volumineuse, en hausse de 20 milliards de Fcfa à en croire La Lettre. Cette information a rapidement été relayée et commentée en Côte d’Ivoire.

« Mauvaise foi totale » de La Lettre du continent ?

Le timing de cette nouvelle peut faire penser à un règlement de comptes politique. Le président vivrait dans le luxe, tandis qu’à la suite de coupes budgétaires, les Ivoiriens sont appelés à se serrer la ceinture pour que le budget de l’Etat ne soit pas hors de contrôle. Le cabinet du président a d’abord réagi par ces mots pour éteindre le début de polémique : « La Présidence de la République élève la plus vive protestation contre ces informations mensongères, gravement diffamatoires et qui portent atteinte à l’honneur et à la considération du président de la république, Alassane Ouattara ». Arguments à l’appui.

Peu après la publication de La Lettre du continent, le porte-parole du président et ministre de la Communication s’est en effet évertué à montrer que le chiffre de 342,6 milliards Fcfa, avancé par le bimensuel, confondait fonds de souveraineté et secteur souveraineté. Une différence de taille qui explique l’importance de la somme et qui ne prêterait donc le flanc à aucune polémique. Bruno Koné l’ explique : « Tous les trimestres, nous faisons un bilan de l’exécution budgétaire, etc. Donc sur ces questions nous sommes totalement transparents. Chaque ministère à son budget ainsi que la présidence qui est affiché sur le site du ministère de l’Economie et des Finances. Les budgets des institutions, des ministères de la présidence sont mis dans la ligne de souveraineté. Dire que ces 342 milliards de FCFA sont utilisables par le Président comme il veut, c’est de la mauvaise foi totale ».

Procès en vue ?

Sans droit de réponse, la présidence avait également affirmé que des poursuites judiciaires seraient envisagées pour clore une polémique qui porte atteinte à l’image et l’intégrité du chef de l’Etat ivoirien. Ce droit de réponse a été obtenu et publié dans le dernier numéro de La Lettre du continent, en date du 13 septembre 2017. On peut y lire que « les chiffres publiés par La Lettre du Continent concernant la présidence actuelle sont faux. Le chiffre avancé au titre d’un soi-disant « Fonds souverain de la présidence » n’est pas conforme à la réalité. Il est le résultat de l’amalgame inexact de plusieurs rubriques budgétaires de la présidence, des Institutions de la République et de certains ministères ».

La lecture de l’exécutif ivoirien semble être la bonne puisque le budget de l’Etat, lorsqu’il est présenté par secteur, comprend neuf points dont un intitulé « Souveraineté ». Pour l’exercice 2017, ce secteur est doté de 342,6 milliards Fcfa, mais contrairement à ce que laisse entendre le bimensuel basé à Paris, ces fonds ne sont pas à la disposition du seul président puisqu’ils sont répartis notamment entre le Parlement, les organes exécutifs (Présidence de la République et Services rattachés, Haute Autorité pour la Bonne gouvernance, etc.), le ministère des Affaires étrangères et les organes juridictionnels. Les fonds destinés à la présidence ne sont donc qu’une fraction de ces 342,6 milliards Fcfa.

Après ces explications, la polémique aurait pu mourir d’elle même, mais La Lettre du Continent persiste et signe dans le numéro du 13 septembre. Un article intitulé « Côte d’Ivoire : les fonds souverains irritent Alassane Ouattara » reprend les accusations lancées quinze jours avant. Le pouvoir ira-t-il jusqu’au procès (qui aurait lieu en France) pour mettre un terme à cette mauvaise publicité ?

 


 

Selon le Ministère du Budget, Pour l’année 2017, si le budget du secteur « Souveraineté » est bien de 342,6 milliards, ce secteur comprend :

–          des organes législatifs (Assemblée nationale et Sénat),

–          des organes exécutifs (Présidence de la République et Services rattachés, Primature et Services rattachés, Ministère d’Etat auprès du Président de la République chargé du Dialogue Politique et des Relations avec les Institutions, Grande Chancellerie, Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance, Prélèvements communautaires, Commission Nationale de Lutte contre la Prolifération et la circulation des armes légères)

–          Organes juridictionnels (Ministère de la Justice et des Droits de L’Homme, Cours d’appel et Cours d’assises, Greffes et Parquets, Hautes Juridictions dont Conseil Constitutionnel, Cour Suprême et Chambre Judiciaire , Chambre Administrative, Cour des Comptes, Parquet Général, Conseil Supérieur de la Magistrature) ;

–          des Organes consultatifs (Conseil Economique, Social, Environnemental et Culturel, Médiature de la République) ;

–          les structures relevant des affaires extérieures (Ministère des Affaires Etrangères, Représentations Nationales à l’Etranger et Ministère de l’Intégration Africaine et des Ivoiriens de l’Extérieur).-

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