L’Union européenne accélère dans la construction d’un partenariat avec l’Afrique, comme en témoigne la visite d’une grande partie de la Commission à Addis-Abeba en Éthiopie, au siège de l’Union africaine. Les 27 entendent dépasser l’aide au développement pour établir un partenariat stratégique basé sur des intérêts communs. L’Europe souhaite ainsi résister à la concurrence d’autres puissances intéressées par la croissance vigoureuse de certains pays africains.
L’intérêt est sans équivoque, l’Afrique est prioritaire dans l’agenda européen. La présidente de la Commission européenne effectuait la semaine dernière son deuxième voyage en Éthiopie en l’espace de deux mois, accompagnée de surcroît par vingt commissaires sur vingt-sept. Selon le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, « la dimension de la délégation européenne souligne la profondeur de notre partenariat ».
Dans une tribune commune, Mme Leyen et M. Mahamat écrivent ensemble : « Dans un monde de plus en plus interdépendant et en mutation rapide, les destinées de l’Europe et de l’Afrique sont encore plus étroitement liées. Des menaces pesant sur la paix, la démocratie et la prospérité économique jusqu’à la lutte contre la pauvreté et le changement climatique, ce qui concerne l’Afrique concerne l’Europe et inversement. Nous avons un intérêt mutuel à la réussite de l’autre sur tous les plans ».
Dépasser le cadre de l’aide publique au développement
Quoique concurrencée, l’Union européenne demeure le premier partenaire commercial du continent africain, avec une part de 36 % de ses échanges. A ce sujet il apparaît primordial pour l’UE et ses partenaires de dessiner un avenir pour l’accord de Cotonou, qui fixe un cadre au partenariat économique et politique entre l’UE et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, accord qui expire ce mois-ci. Or il semble que les négociations stagnent et que, sans trop surprendre, les 27 peinent à se mettre d’accord.
L’UE est également en Afrique la première source d’investissements (283 milliards d’euros) comme d’aides, avec 20 milliards d’euros par an pour divers programmes de développement. Afin de souligner l’envie partagée de faire évoluer le partenariat entre les deux continents, Mme Leyen et M. Mahamat soulignent ensemble : « Nous devons poursuivre le travail de long-terme et dépasser le cadre de l’aide publique au développement : le partenariat Europe-Afrique doit mobiliser davantage le secteur privé de manière à stimuler les investissements : c’est l’objet du Plan d’investissement extérieur européen qui permettra des garanties aux acteurs privés pour attirer l’investissement y compris là où les investisseurs n’iraient pas normalement. »
L’Afrique courtisée de toutes parts
Dans la course aux parts de marché, aux investissements et à l’influence géo-politique, l’Europe est sérieusement concurrencée par une poignée de puissances actives, de la Chine aux États-Unis, en passant par la Russie, l’Inde et même les brexiters du Royaume-Uni. Les États-Unis s’efforcent de relancer leurs échanges commerciaux avec plusieurs pays africains grâce au plan « Prosper Africa », et en février dernier le secrétaire d’État Mike Pompeo a effectué sa première visite en Afrique sub-saharienne.
La Chine est bien entendu très active en Afrique, du moins sur le seul plan économique, sans se soucier dans les négociations de questions sécuritaires, humanitaires, de droits de l’homme ou de bonne gouvernance. Quant à l’Europe, le Haut représentant des affaires étrangères Josep Borrell s’agace du reproche d’une relation avec l’Afrique qui serait dominée par les questions migratoires : « C’est une impression trompeuse. Tous les chiffres montrent que l’Europe est présente en Afrique dans beaucoup plus de domaines que celui-ci. Cette déformation nous préoccupe. Vous avez vu la tour magnifique, cadeau de la Chine, qui est ici, à Addis-Abeba ? Les Éthiopiens voient ça tous les jours, et se disent que la Chine est très présente. Or l’opération de maintien de la paix que nous finançons en Somalie, l’Amisom, coûte en dix-huit mois l’équivalent de cette construction » assène-t-il.
Protéger la croissance et le potentiel économique
Les questions migratoire et sécuritaire ne font pas tout, mais elles sont au cœur des préoccupations partagées entre l’Europe et l’Afrique. Ainsi les deux partenaires affirment un intérêt commun à protéger la croissance et le potentiel économique de la région du terrorisme. Au siège de l’Union africaine Mme Leyen a déclaré qu’« il est d’une importance capitale, que nous renforcions l’Union africaine et ses États membres pour défendre leurs territoires contre le terrorisme ».
Aussi, dans un billet publié le 28 février, M. Borrell souligne que « nous avons discuté comment faire face aux défis énormes et à l’instabilité en Libye, au Sahel et en Somalie. Nous avons aussi eu de bons échanges sur ce que nous pouvons faire ensemble sur la digitalisation, les fausses nouvelles et la cybercriminalité ». Le Haut représentant européen pose l’Afrique comme « une priorité de notre travail en 2020 » et rappelle les rencontres clefs à venir, comme celle des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne et de l’Union africaine à Kigali, ainsi que le sommet UE-Afrique en octobre prochain.
Gaëtan Mortier
Une vision fédéraliste de l’ union européenne est nécessaire pour rendre crédible et visible notre présence dans le monde .Les Etats
seuls ne peuvent pas être performants .La diplomatie est méconnue
des citoyens qui ont besoin de connaissances pour participer à l’ anticipation des situations futures .