Un coup tonnerre a retenti de part et d’autre du Río Grande : à l’occasion d’un voyage en famille, le général à la retraite Salvador Cienfuegos, ministre de la Défense mexicain entre 2012 et 2018, a été arrêté la semaine dernière à Los Angeles pour trafic de drogue.
Qualifié de « parrain » par la DEA, il a été inculpé à New York sous quatre chefs d’accusation liés au narcotrafic. L’annonce a stupéfait à Mexico, les autorités déclarant ne pas avoir été informées au préalable par les États-Unis… ni avoir de dossier sur l’ancien numéro un de la « guerre contre le narcotrafic » sous la présidence d’Enrique Peña Nieto. Malgré une collaboration active contre le crime organisé entre les deux pays voisins, la méfiance envers certaines autorités mexicaines est légitimement grande.
Le rôle présumé du général Cienfuegos correspondrait au grand classique de la corruption d’État mexicaine et de sa cohabitation historique avec les « cartels » de narcotrafiquants : protection active d’une organisation (ici les ex-Beltran Leyva, anciens alliés puis ennemis du cartel de Sinaloa), opérations sanglantes et intelligence pour affaiblir les rivaux, organisation de routes d’exportation de marijuana, cocaïne, héroïne et méthamphétamines… et bien-sûr l’indispensable blanchiment d’argent qui couronne le tout.
Des anciens chefs d’État sous pression
Cette arrestation-événement fait suite à celle en décembre 2019 de l’ancien ministre de la Sécurité publique, le sulfureux Genaro García Luna. Lui aussi est tombé aux États-Unis, accusé d’avoir reçu des paiements mirobolants de la part du cartel de Sinaloa, dont une des têtes était le fameux Chapo Guzman. L’homme clef de l’ancien président Felipe Calderón (2006-2012) est un florilège notoire du Mexique mafieux, malgré son ancien statut de « tsar » de la lutte antidrogue. Son audience a repris ce mois-ci après avoir été reportée à cause de la pandémie de Covid. Il s’agit aussi de l’homme qui avait organisé l’arrestation frauduleuse de la française Florence Cassez.
Le coup est dur pour la réputation déjà malmenée des institutions mexicaines, il l’est aussi dans une moindre mesure pour l’actuel président Andrés Manuel López Obrador. Si celui-ci a fait de la lutte contre la corruption une priorité sincère, il a toutefois renforcé le rôle de l’armée dans une guerre sans résultat qui a fait au moins 275.000 morts entre 2006 et 2019 (chiffre officiel). Voulant souligner la rupture avec la corruption des gouvernments précédents, il a déclaré : « C’est un signe sans équivoque de la décomposition du régime à cette époque, de la dégradation du fonctionnement du gouvernement dans le pays pendant la période néolibérale (…) On pourrait parler d’un narco-gouvernement et sans aucun doute d’un gouvernement mafieux ». Les anciens chefs d’État Peña Nieto et Calderón ont du souci à se faire, mais davantage aux États-Unis qu’au Mexique.
G.M.
Crédit photo : Presidencia de la Républica, México (licence Creative Commons)
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