Nouveau rebondissement dans l’affaire Korek, entreprise dans laquelle le groupe français Orange et le koweitien Agility réclament à l’État irakien une indemnisation après avoir été, selon eux, expropriés de leur participation dans l’entreprise irakienne de télécommunication Korek. Jafar Al Khazraji, l’un des anciens juges ayant statué contre Agility et Orange se retrouvent au cœur d’une affaire de corruption. Un soupçon de malversation de plus dans une affaire où les zones d’ombre non élucidées s’accumulent. Et où les critiques contre les jugements rendus se font de plus en plus prégnants.
Orange et Agility déboutés devant les juridictions irakiennes et les tribunaux d’arbitrage internationaux
En 2014, l’autorité de régulation des télécommunications irakienne, la CMC, conclut qu’Orange et Agility, deux des actionnaires historiques de Korek, n’ont pas respecté leurs engagements contractuels. Des accusations très largement déniées par les deux entreprises, qui s’estiment victimes d’expropriation, après que leur participation dans Korek a été transférée à trois investisseurs, dont Sirwan Barzani, président du groupe et membre de la famille la plus influente famille du Kurdistan irakien. En tout et pour tout, Orange et Agility ont été expropriés de 810 millions de dollars, correspondant aux 44 % des parts qu’ils possédaient chez Korek.
Pour tenter de récupérer tout ou partie de leurs investissements de départ, les deux groupes se tournent vers les juridictions nationales qui restent sourdes à leurs doléances et refusent systématiquement de condamner Korek. Les deux entreprises plaident ensuite leur cause au sein du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investisseurs (CIRDI), mandatés pour arbitrer l’affaire Korek. Si Agility se fait débouter de ses demandes d’indemnisation en février dernier, le cas d’Orange n’a toujours pas été examiné. Mais, le précédent koweïtien laisse peu d’espoir au géant français.
Des soupçons de corruption quasi-avérés contre des cadres de la CMC
De son côté, Agility déplore une procédure bâclée. Le CIRDI, composé pour cette affaire de Cavinder Bull, Sean Murphy et John Beechey, « n’a pas examiné ou enquêté sur des preuves documentaires incontestables confirmant la corruption et le paiement de pots-de-vin par Sirwan Barzani aux plus hauts commissaires du CMC : Ali Al-Khuwaildi et le Dr Safa al Rabiee », estime Agility, dans un communiqué de presse publié le 22 février 2021. Dans un dossier rendu public par le Financial Times, de graves accusations sont en effet portées contre plusieurs juges de la CMC, dont Ali Al-Khuwaildi, suspecté d’avoir obtenu une maison dans la banlieue chic de Londres par l’intermédiaire d’un avocat, proche de deux hommes d’affaires libanais à la réputation sulfureuse, les frères Rahmeh. La valeur du bien est estimée à 830 000 livres. Selon un tribunal américain, la maison de Wembley a été achetée pour « influencer indûment » le vote de Ali Al-Khuwaildi dans l’affaire Korek, bien que ce dernier rejette toutes ces accusations. Le dossier du Financial Times évoque aussi des « remboursements en espèce ».
Un juge irakien impliqué dans le dossier au cœur d’un scandale de corruption
De nouvelles accusations viennent encore renforcer les soupçons de corruption qui, de l’expropriation supposée jusqu’aux jugements rendus par les tribunaux irakiens, semblent avoir eu impact sur l’ensemble de l’affaire. Jafar Al Khazraji, qui avait à statuer contre Orange et Korek, est aujourd’hui au cœur d’un immense scandale de corruption. La cause ? 17 millions de dollars d’actifs n’auraient pas été déclarés dans sa fortune personnelle. Condamné à 8 millions de dollars -et à rembourser les sommes « volées », ainsi qu’à « une peine d’emprisonnement sévère », Jafar al Khazraji est l’un des condamnés les plus emblématiques de la nouvelle stratégique anticorruption du pays 2021 – 2024, préparée par l’Iraq Intregity Authority et approuvée par le président Barham Salih. Reste à savoir si les juges du CIRDI prendront en considération ces nouvelles données.
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