France-Djibouti, la nécessité d’apporter une réponse à l’offensive chinoise

France-Djibouti, la nécessité d’apporter une réponse à l’offensive chinoise

La rencontre, le 27 juillet dernier, entre le ministre de la Défense français Jean-Yves Le Drian et Ismaël Omar Guelleh, président djiboutien, a été l’occasion de faire un point sur la réduction des effectifs militaires français sur place, qui devrait être moins importante que prévu. Les deux hommes se sont également entretenus sur l’avenir des relations économiques entre les deux pays, alors que la Chine affirme sa présence dans ce petit Etat de la Corne de l’Afrique, damant le pion aux partenaires historiques de Djibouti, pour le meilleur et pour le pire.  

« Cette visite, c’est le dîner aux chandelles ». La diplomatie djiboutienne, tout comme le gouvernement français, pouvait se réjouir de l’entrevue effectuée lundi 27 juillet, à Djibouti, entre le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, et le président djiboutien, Ismaël Omar Guelleh. Prévue de longue date, cette rencontre avait été maintes fois reportée, le premier souhaitant ne pas perdre une miette des discussions sur la loi de programmation militaire qui vient d’être validée par le Conseil constitutionnel. Un dîner aux chandelles, donc, mais en apparence seulement ; la délégation française se devait de rassurer Djibouti sur son indéfectible soutien, et la promiscuité de leurs rapports. Rapports qui, ces dernières années, se sont quelque peu rafraîchis.

« Il est précieux de conserver Djibouti »

La position stratégique de Djibouti, situé à l’extrémité de la Corne de l’Afrique, à quelques encablures du Yémen et à l’embouchure de la Mer Rouge, a toujours fait de ce petit Etat l’un des grands acteurs régionaux. Aujourd’hui – tandis que le Moyen-Orient est en ébullition – plus que jamais. La France, dont Djibouti s’est affranchi en 1977, a toujours conservé des relations étroites et importantes avec son ancienne colonie, au point d’y installer son plus important contingent de forces armées. Seulement, au fil des années, des voix se sont élevées pour dénoncer des intérêts à sens unique, certains regrettant que la France ne perçoive son allié que comme un « caillou géostratégique ». L’absence de visite diplomatique de la part d’un ministre français de la Défense, depuis plus de cinq ans, est à ce titre révélatrice ; les gouvernements successifs se contentaient d’affirmer que « quitter Djibouti serait une folie ».

La visite de Jean-Yves Le Drian, le « ministre de l’Afrique » du gouvernement Hollande, vient donc mettre fin à cette période de disette diplomatique. Est-ce pour autant synonyme de réchauffement des relations franco-djiboutiennes ? Seul l’avenir le dira. La délégation française en a surtout profité pour annoncer une diminution de ses effectifs militaires, qui se portent actuellement à près 2 000 hommes. Une diminution toutefois moins importante que prévu. « Avec un effectif final de 1 350 hommes environ à l’été 2017 et au-delà, qui permet de conserver nos capacités opérationnelles aériennes, terrestres et navales sur la longue durée, Djibouti restera la principale base de forces positionnées sur le continent africain », a en effet déclaré Jean-Yves Le Drian. Pour le député Gwendal Rouillard (PS, Morbihan), coauteur en 2014 d’un rapport d’information sur l’évolution du dispositif militaire tricolore en Afrique, il s’agit d’une « décision cohérente », qui permet de « garder l’ensemble des composantes et d’assurer toute la diversité des missions ».

La France doit renforcer ses liens économiques avec Djibouti

La visite de Jean-Yves Le Drian devrait également inciter les deux pays à resserrer leurs liens économiques. L’économie de Djibouti repose essentiellement sur les investissements étrangers, dans le domaine portuaire surtout ; les priorités du gouvernement actuel se concentrent sur le développement des infrastructures du pays, l’amélioration de sa compétitivité économique et l’émergence d’un secteur privé. Pour ce faire, Ismaël Omar Guelleh a, depuis quelques temps, souhaité se rapprocher du géant chinois, celui-ci espérant, de son côté, s’implanter dans une région clé. Après avoir négocié l’installation d’une base militaire dans la capitale djiboutienne, Pékin entend naturellement instaurer des relations commerciales et économiques plus poussées, notamment dans le secteur privé.

Selon Doualeh Egueh Ofleh, un membre de l’opposition à Djibouti, la solution chinoise est non seulement inefficiente, mais surtout dangereuse. Mettant en avant les mauvais chiffres de la balance commerciale nationale, l’homme politique affirme que le pays risquerait de perdre le contrôle de certaines infrastructures – portuaires, aéroportuaires, hôtelières… – au profit de Pékin, s’il faisait défaut sur sa dette. Les investissements chinois se multiplient en effet ; les deux capitales ont récemment acté la construction, dans la région administrative d’Obock, aux confins du Golfe d’Aden et de la Mer Rouge, d’un complexe hôtelier, d’un aéroport ainsi que d’un chantier naval.

L’oeuvre de séduction de la Chine, qui tente de s’implanter et de contracter avec les « hauts placés » de la planète, n’est pas nouvelle ; le soft power de Pékin est connu de tous. Mais à Djibouti, elle souhaite bel et bien remettre en cause l’hégémonie occidentale. Barack Obama a d’ailleurs profité de sa visite au Kenya, la semaine dernière, pour appeler à une nouvelle dimension dans les relations économiques entre les Etats-Unis et les pays africains. Un renforcement des liens économiques et commerciaux entre la France et Djibouti apparaît pareillement souhaitable. Et ce au bénéfice des deux acteurs : Paris retrouverait la légitimité qu’elle a perdue voilà plus de dix ans ; Djibouti nouerait des relations économiques sérieuses et saines. La question que doivent se poser les pouvoirs publics français, est celle de savoir s’il n’est pas trop tard pour ce faire.

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