La sortie du communisme des anciennes Républiques soviétiques a constitué une opportunité historique pour les entreprises européennes. Les privatisations et les besoins de se moderniser ont ouvert des marchés fabuleux dans lesquels se sont empressés de s’engouffrer des entreprises françaises à l’image de Veolia. Le géant mondial de l’eau et de l’énergie vient de remporter un important contrat en République tchèque, mais ce succès succède à certains déboires dans l’eldorado est-européen.
Les sourires étaient de rigueur le 13 juin dernier au siège de Veolia. Le groupe venait en effet d’annoncer dans un communiquer le rachat de la société tchèque Prazska Teplarenska. Cette opération fait du groupe français l’exploitant des réseaux de chauffage urbain d’une partie de la capitale tchèque, Prague. Le coût de ce rachat est élevé puisque Veolia a déboursé 71,3 millions d’euros. Le chiffre d’affaires de Prazska Teplarenska est de 50 millions d’euros par an et Veolia entend amortir rapidement cet investissement aux accents très stratégiques.
Veolia est désormais un poids lourd du secteur énergétique en République tchèque car selon le groupe, il détient aujourd’hui 19 % des parts de marché dans le domaine des services énergétiques. Outre la gestion des réseaux de chaleur dont est désormais chargé Veolia via Prazska Teplarenska, le groupe assure « la gestion de l’eau et l’assainissement » de la capitale comme le souligne Philippe Guitard, directeur de la zone Europe centrale et orientale de Veolia dans le communiqué de presse.
Corruption
La République tchèque est donc un terrain propice pour Veolia, mais tous les anciens pays communistes ne sont pas des terrains de jeu faciles pour le géant français. Ainsi, en Lituanie, la pomme de la discorde est grosse de 100 millions d’euros et pourrait coûter cher au contribuable lituanien… ou à l’entreprise française. Veolia a demandé un arbitrage international auprès de l’International centre for settlement of investment disputes, en janvier dernier, contre le pays où il s’était implanté en 2010, et réclame 100 millions d’euros d’indemnisation au titre d’un « traitement injuste et l’expropriation » de ses filiales. Dans un communiqué, Veolia affirmait que « la Lituanie a lancé une campagne de harcèlement pour des raisons politiques » contre lui.
Derrière cette somme impressionnante, les nœuds d’un système peut-être corrompu s’emmêlent avec science. L’arbitrage prendra du temps pour savoir qui dit vrai dans une affaire où l’Etat lituanien reproche à Veolia (via sa filiale Vilniaus Energija) d’avoir pratiqué une politique d’augmentation de tarifs injustifiés au cours des dernières années. Cela aurait été rendu possible en s’assurant de manière illégale du soutien de certains hommes politiques influents, dont l’ancien maire de la capitale, Arturas Zuokas. Le contrat passé avec la ville de Vilnius dans le secteur du chauffage prendra fin en 2017 et ne sera pas reconduit par la nouvelle équipe municipale. Dans le même temps, les autorités ont supprimé des subventions qui ont obligé Vilniaus Energija à fermer une centrale de production combinée de chaleur et d’électricité dans la capitale lituanienne. Une perte sèche pour Veolia.
Cette affaire est un nouveau mauvais coup dur pour Veolia en Europe de l’Est, et au-delà de la perte de contrats, c’est tout le groupe qui pâtit d’une image quelque peu délicate. En cause : la multiplication de démêlés avec les autorités gouvernementales ou municipales. Déjà en Roumanie, la justice s’est saisie d’une affaire importante de corruption mettant en cause trois directeurs locaux successifs dont deux français. Il est reproché à Veolia d’avoir bénéficié là encore d’augmentation de tarifs de l’eau dans la capitale Bucarest en mettant en place un système de pots-de-vin entre 2008 et 2015. La justice ne fait que débuter son enquête, mais le faisceau de preuves et la saisie de la justice française par un syndicaliste de FO pourraient avoir des conséquences très négatives pour le groupe. L’Europe de l’Est est un eldorado où beaucoup est encore à faire, mais qui peut s’avérer très compliqué lorsque des contrats géants sont disputés avec âpreté.
Crédits photo : Reuters/Charles Platiau
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