Plusieurs mois après la fin de l’épidémie d’Ebola, qui a causé, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la mort de plus de 11 300 personnes en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2016, l’heure est au bilan. Comment s’assurer que la propagation du virus ne connaitra plus une telle ampleur, alors que la gestion de la précédente vague épidémique laisse paraître de graves lacunes ?
Une étude, publiée en février 2017 dans les Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS) démontre ainsi qu’environ 3% seulement des personnes infectées par le virus Ebola ont été responsables de 61% de toutes les contagions en Afrique de l’Ouest. En d’autres termes, faute d’avoir pu identifier ce que l’étude appelle les « super propagateurs », le virus s’est répandu à toute la région à partir de quelques personnes infectées.
« Nous voyons désormais que ces supers propagateurs jouent un rôle plus important qu’initialement estimé », a déclaré Benjamin Dalziel, co-auteur de l’étude. Selon les chercheurs, près des deux tiers des infections auraient pu être évitées si ces personnes avaient été correctement identifiées. Au-delà de cette lacune, la gestion de l’épidémie d’Ebola semble avoir été davantage guidée par la peur que par des priorités médicales.
La gestion d’Ebola ou « la politique de la peur »
Un autre rapport, présenté cette fois sous forme de livre par l’ONG Médecins sans frontières (MSF), jette une lumière crue sur la manière dont « les patients et leurs soins n’ont pas été priorisés tandis que les gouvernements et organisations soutenant la réponse favorisaient la sécurité et le confinement, au détriment de la solidarité ».
L’ouvrage, présenté en février dernier et intitulé La politique de la peur, pointe le manque de préparation des acteurs sur le terrain. Alors que MSF avait averti de l’ampleur « sans précédent » des contaminations dès le 31 mars 2014 et, en juin 2014, que le virus était « hors de contrôle », il faudra attendre le 8 août pour que l’OMS considère l’épidémie comme une « urgence de santé publique de portée internationale ». Il faudra surtout qu’un premier cas soit diagnostiqué aux Etats-Unis, en septembre 2014, pour que l’opinion internationale commence à se pencher sur les trois pays africains les plus touchés par Ebola : la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia.
« La peur fut le maître mot », estiment les deux co-directeurs de l’ouvrage publié par MSF. « Sur place, les gouvernements nationaux dotés de faibles moyens ont, dans un premier temps, essayé de protéger leurs souveraineté et leur économie en niant les effets de la maladie sur la santé et le bien-être de la population ».
Le problème reste entier pour MSF, selon qui « alors que la désinformation, la panique et l’isolement ont prédominé dans la réponse initiale à Ebola, la façon dont les prochaines épidémies seront gérées reste floue ». Pour le Dr Armand Sprecher, l’un des co-auteurs du livre, la réponse approprié passerait par « sensibiliser les communautés, aller chercher les malades puis les prendre en charge, organiser des enterrements sécurisés, faire des investigations épidémiologiques, anthropologiques ». Autant de tâches auxquelles s’attellent, sur place, ONG, gouvernements et entreprises privées.
Sur le terrain, l’heure est à la prévention
Si les ONG et organisations internationales ont largement contribué à résorber l’épidémie, les entreprises privées n’ont pas été en reste. A l’image de l’entreprise russe Rusal, premier producteur d’aluminium au monde. Présente en Guinée depuis 2001, l’entreprise est désormais l’un des plus importants investisseurs étrangers dans le pays.
Dès avril 2014, Rusal fut l’une des premières entreprises étrangères à avoir livré aux autorités sanitaires guinéennes des médicaments et des produits de prévention. Un engagement qui s’inscrit dans la durée, l’entreprise possédant d’importants projets miniers en Guinée. Le 16 février dernier, Rusal a ouvert un tout nouveau laboratoire de recherche scientifique, destiné à lutter contre les infections. Un investissement de plus de 10 millions de dollars, pour un équipement de pointe construit en collaboration avec le Service fédéral russe de surveillance dans le domaine de la défense des droits des consommateurs (Rospotrebnadzor), service dont Rusal prend en charge le fonctionnement de l’équipe anti-épidémie qui opère en Guinée.
Les efforts conjoints des ONG, gouvernements et entreprises privées commencent à porter leurs fruits. Ainsi, la Guinée a pu célébrer, en juin 2016, la fin rapide de la dernière résurgence d’Ebola. Une cérémonie qui a été l’occasion de lancer la mise en place de huit Equipes régionales polyvalentes d’alerte et de riposte aux épidémies (Eraré), en partenariat avec l’OMS, la Croix-Rouge et l’Union européenne (UE). Soutenu par la France et l’UE à hauteur de 5,8 millions d’euros, le projet permettra aux Eraré « d’intervenir sur toute épidémie (…) comblant ainsi un vide au sein de la pyramide sanitaire qui avait favorisé l’expansion de la maladie à fièvre hémorragique à virus Ebola ».
Malgré la complexité de la prise en charge des épidémies d’Ebola, pour le Dr Armand Sprecher, « l’épidémie d’Ebola est quelque chose de gérable. Et pour la surmonter, le mieux est de travailler ensemble. Il faut mobiliser les gens sans la peur, même si cette maladie reste effrayante ».
Denis Audibert
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