Dix mois après le premier One Planet Summit à Paris, Emmanuel Macron était à l’honneur de la deuxième édition à New York, en marge de la 73e assemblée générale des Nations unies. Une distinction qui surprend alors que la France a pris du retard sur ses objectifs de réduction d’émissions carbone, notamment à cause de ses errements en matière de nucléaire.
Réunis le 26 septembre au siège de l’ONU pour le deuxième One Planet Summit, 133 chefs d’État ont décerné à Emmanuel Macron le titre de Champion de la Terre, partagé avec le premier ministre indien Narendra Modi, ainsi que celui de Champion du Climat, attribué à 14 autres personnalités. Les lauriers tressés au président français font écho à l’organisation de la première édition en décembre 2017 à Paris de cet événement créé pour lutter contre le changement climatique, ainsi qu’à son appel de juin 2017 à « make our planet great again » (« rendre à notre planète sa grandeur »), en réaction au retrait des États-Unis de l’Accord de Paris. Pendant deux heures et demie, les principaux leaders internationaux ont rapporté les progrès effectués en matière de financement de l’adaptation au changement climatique, de transition vers une économie décarbonée et de verdissement de la finance. Sur ces sujets, la France affiche l’image d’un pays précurseur, après avoir organisé une COP21 synonyme de prise de conscience mondiale des problématiques environnementales. Emmanuel Macron « tient le leadership politique au niveau international sur le sujet depuis le One Planet Summit de l’an passé », confirme Lucile Dufour, responsable des politiques internationales et développement pour le Réseau Action Climat France (RAC). Selon elle, les promesses faites lors de ce sommet mondial sont pourtant en passe de ne pas être tenues. « Pour faire face au défi climatique, il faudrait qu’on soit dans une politique d’engagements forts, profonds et qui soient bien sûr réalisés », oppose-t-elle.
En matière d’efforts environnementaux, la France envoie plutôt des signaux négatifs ces dernières années. En 2016, elle a dépassé de 3,6 % son objectif en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES), d’après les estimations du ministère de la Transition écologique et solidaire. Et en 2017, les dégagements de C02 ont même bondi de 3,2 % dans le pays, contre 1,8 % en moyenne dans les 28 pays de l’Union européenne, selon une étude d’Eurostat. Et pour cause : « il manque 20 à 40 milliards d’euros pour remplir les objectifs qui sont prévus par la loi française », explique Lucile Dufour, considérant que l’action gouvernementale tient plus du « greenwashing » que d’un « engagement sérieux ». Il faut dire que les politiques environnementales ont semblé faire preuve d’un certain amateurisme en voulant réduire les émissions de GES en même temps que la part du nucléaire à 50 % du mix électrique d’ici 2025. Or, l’atome est une des sources d’énergie, avec l’éolien, le solaire, la biomasse et l’hydraulique, qui émet le moins de CO2, étant décarboné à plus de 97 %. « Le sujet est la réduction des gaz à effet de serre et le débat se concentre sur le nucléaire, qui n’en émet pas !, résume Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN). Nous aurons toujours besoin de nucléaire en 2050. »
Décarbonation et dénucléarisation, une erreur de méthode
Assurant une production beaucoup plus fiable que les énergies vertes et dans des quantités autrement plus importantes, le nucléaire est de plus en plus perçu comme un atout pour la transition énergétique tant que les installations d’énergies renouvelables n’auront pas atteint un niveau de performance suffisant pour la consommation française. Preuve du regain d’intérêt pour les arguments de l’atome, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des finances, a affirmé son soutien à la filière française à la veille du One Planet Summit 2. « Ce que je souhaite, c’est que nous continuions à nous appuyer sur une filière nucléaire qui a des compétences, qui est créatrice d’emplois, qui nous garantit une énergie décarbonée à bas coût », a-t-il déclaré à l’antenne de BFM Business. Cette annonce de Bercy semble toutefois intervenir un peu tard dans l’agenda du gouvernement, traduisant une erreur initiale de méthode. En cherchant à réduire l’apport du nucléaire à 50 % de la production électrique, la France a entraîné automatiquement l’augmentation de ses émissions de CO2. « Défini arbitrairement, ce moyen devenu finalité n’est plus disponible comme outil servant les objectifs de notre stratégie. En outre, il monopolise la quasi-totalité des financements publics dédiés à la transition énergétique. Résultat : nos émissions de gaz à effet de serre ainsi que le prix de l’énergie augmentent, et nous restons très dépendants d’importations de ressources fossiles dont l’approvisionnement futur est incertain », analyse Maxence Cordiez, ingénieur énergétique, dans une tribune publiée sur le site des Échos.
En admettant son incapacité à baisser la part de nucléaire d’ici 2025 tel qu’il s’y était engagé, l’ex-ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot a finalement pris conscience l’an dernier de l’incohérence des objectifs énergétiques français. Si le retard pris par la France ne peut être rattrapé, il s’avère symptomatique de celui accumulé à l’échelle mondiale. « Les nations ne sont pas à la hauteur des promesses faites à Paris […]. Les engagements qu’elles ont pris jusqu’ici élèveraient la température de la planète d’environ 3 degrés d’ici 2100 », s’inquiète Patricia Espinosa, responsable des négociations climatiques à l’ONU. « Les faits sont clairs et alarmants : le changement climatique continue de progresser plus vite que nos efforts pour y faire face, ajoute Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies. Nous devons tous faire beaucoup plus pour gagner cette course pour notre avenir. » Alors que la Programmation pluriannuelle de l’énergie doit accoucher de ses premières décisions dans quelques semaines, François de Rugy, le successeur de Nicolas Hulot, saura-t-il trancher en faveur de solutions plus efficaces pour la transition énergétique de la France ?
Laisser un commentaire