Surtourtisme : que faire ?

Surtourtisme : que faire ?

Venise, Barcelone, New York ou Paris en savent quelque chose. De plus en plus nombreux, les touristes internationaux tendent à se concentrer sur quelques destinations, au risque d’éprouver les populations locales tout en dégradant l’environnement. La répartition géographique des flux se révèle urgente.

Autrefois réservée aux élites, l’activité touristique s’est largement démocratisée au cours du XXe siècle. Même trop, selon un nombre croissant d’analystes qui s’inquiètent des conséquences négatives du « surtourisme ». D’après les chiffres de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le nombre de voyageurs connaît une croissance continue d’environ 4 % à 5 % par an depuis dix ans. Le nombre de touristes internationaux a été multiplié par dix en 40 ans. Ils étaient effet 70 millions en 1960 et pas moins de 700 millions en 2000. L’OMT estime qu’ils devraient être 1,8 milliard à arpenter la planète en 2030.

Ce n’est pas une mauvaise nouvelle, loin de là. Toujours selon l’OMT, le tourisme international représente une manne globale de plus de 1 260 milliards de dollars de recettes (contre 7 milliards en 1960 !). Il constitue dès lors « un puissant moteur économique appelé de surcroît à gagner encore en importance », selon Jérémy Boer, responsable de mission et expert en développement touristique au sein de l’ONG Acting For Life.

Mais une telle croissance n’est pas sans poser problème, d’autant que les touristes « ont tendance à se concentrer sur un nombre limité de destinations, au point de saturer les infrastructures de transport et d’accueil et de créer d’importants déséquilibres au niveau local », comme le souligne Le Monde. Résultat : la « tourismophobie » augmente parmi les habitants des sites les plus visités au monde, au nombre desquels il faut (encore) compter la France.

 

EuropaCity veut élargir l’horizon des touristes

L’Hexagone, qui a accueilli 87 millions de touristes étrangers en 2018, compte en attirer 90 millions en 2019 et même 100 millions en 2020. « Dans tous les cas, c’est l’attractivité de la France qui est de nouveau sur le devant de la scène, mais le pays est, en quelque sorte, de plus en plus victime de son succès : certains sites sont en phase de saturation et des mesures s’imposent », prévient Emmanuel Cugny, éditorialiste économique à Franceinfo. Soit, mais quelles mesures ?

Comme Venise, cette grande victime du surtourisme mondial, Paris et les autres villes françaises les plus visitées tentent déjà de répartir les flux géographiquement. Il s’agit de créer de nouveaux points d’attraction afin d’orienter les touristes vers d’autres sites que les grands classiques sans pour autant créer un sentiment de frustration.

L’écoquartier EuropaCity, qui devrait ouvrir ses portes à l’horizon 2027, s’inscrit dans cette logique. Prévu pour s’étendre sur 80 hectares dans le Triangle de Gonesse (Val-d’Oise), le projet devrait attirer 31 millions de visiteurs (dont six millions de touristes) par an, soit deux fois plus que Disneyland. Ses nombreux commerces, son parc d’attractions, ses salles d’expositions et de spectacles, ses deux mille chambres d’hôtel et ses espaces verts devraient convaincre les visiteurs étrangers et nationaux de s’aventurer au-delà des beaux quartiers de la capitale. D’autant qu’ils pourront emprunter la ligne 17 du Grand Paris Express, qui reliera le Triangle de Gonesse à Saint-Denis Pleyel en 12 minutes (contre une heure aujourd’hui).

Une nouvelle destination en France et à Paris qui devra permettre de répartir dans l’espace de flux de visiteur, tout en les attirant sur un site avec un impact environnemental réduit (les architectes d’Europacity prévoient un parc photovoltaïque, chaufferie biomasse, une ferme urbaine, smart grids…).

 

Attirer les touristes sur d’autres périodes ou augmenter le coût du séjour

Autre solution : répartir l’afflux de visiteur dans le temps, en favorisant des périodes moins prisées. Une manière d’alléger l’impact du tourisme pour une ville, qui dépend largement du marketing des agences de voyages et des compagnies d’aviation, sur lequel les pouvoirs publics ont peu d’influence.

L’État et les collectivités locales peuvent néanmoins agir sur un levier qui n’est pas forcément le plus populaire, mais assurément le plus efficace : l’augmentation du coût du séjour. Le quotidien britannique The Guardian explique ainsi que « de nombreuses destinations ont mis en place une taxe touristique ». La mise en place de quotas est aussi une solution longtemps demeurée taboue mais qui est de plus en plus utilisée. Véritable « protectionnisme touristique », elle permet de limiter le nombre de touristes dans un espace donné en restreignant le nombre de visites. Le coût (financier, mais aussi en termes de temps consacré à préparer son voyage, à remplir des formulaires, etc.) du séjour est ainsi démultiplié, décourageant une partie des flux de touristes de masse.

De nombreux temples mayas ont déjà strictement limité le nombre de visiteurs autorisés par an et dans le centre-ville de Barcelone, les groupes touristiques de plus de 50 personnes sont interdits. D’autres lieux emblématiques pourraient rapidement prendre cette voie. C’est par exemple le cas des temples d’Angkor. Pour Christian Orofino, coprésident de l’Observatoire géopolitique écotouristique « Ces sites se dégradent avec l’arrivée en masse de touristes, surtout s’ils ne se sont pas préparés à ce soudain bouleversement. Prenez le temple d’Angkor au Cambodge : il n’était absolument pas visité jusque dans les années 80. Après son classement au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1992, il a attiré 60 000 visiteurs en 1999, 250 000 en 2001 et 3 millions de visiteurs en 2011. Cela a eu un grave retentissement sur le monument, la pollution avec les nouveaux axes de circulation construits à la va-vite et la corruption dans la population. »

Dernière solution : la limitation des locations de courtes de durées, principalement dans les villes. Ce qu’ont déjà fait des villes comme Londres, Amsterdam ou New York qui ont instauré des restrictions concernant la location de la résidence principale. La cible ? Le géant californien AirBnb évidemment.

L’explosion du tourisme provoqué par le développement des moyens de transport et de communication et par l’émergence d’une classe moyenne en Asie bouleverse le rapport que certaines populations entretiennent avec leur propre territoire. Une accélération des flux qui provoque des tensions et qui appelle à la régulation.

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