La France et l’Italie ont signé vendredi dernier à Rome un accord de coopération bilatérale renforcée, dénommé traité du Quirinal. Au-delà d’un voisinage qui relève de la parenté, l’entente a été favorisée par la proximité de vues entre le président français Emmanuel Macron et le président du Conseil italien Mario Draghi. Le texte d’une trentaine de pages concerne une douzaine de domaines, dont ceux cruciaux de la défense, de l’espace ou de la coopération industrielle.
Les deuxième et troisième économies de la zone euro sont désormais un peu plus étroitement associées, dans « un cadre plus stable et ambitieux » se félicitent les signataires. D’une certaine façon, lit-on dans la presse française, sur le modèle du traité d’Aix-la-Chapelle signé en 2019 entre la France et l’Allemagne, qui approfondissait le traité de l’Élysée de 1963. En s’accordant de la sorte avec une vision de long terme, la France et l’Italie dépassent quelques années de désaccords sur certaines questions économiques, migratoires ou sociales. Cela ne pouvait pas durer et n’entachait en rien une convergence d’intérêts stratégiques évidente au niveau global.
Pour Emmanuel Macron, le traité « scelle une amitié profonde » et « favorisera la convergence des positions françaises et italiennes ». « Pays fondateurs de l’Union, premiers signataires des traités (…), nous défendons une Europe plus intégrée, plus démocratique, plus souveraine » a-t-il ajouté. Quant à Mario Draghi, il a salué « un traité qui doit renforcer la souveraineté européenne via notamment une défense commune mais aussi sur l’importance de revoir les règles du pacte de stabilité qui n’étaient déjà plus valables avant la pandémie ».
Affaires étrangères, sécurité et défense d’abord
Le traité prévoit une coopération renforcée en matière de diplomatie et de défense, d’immigration, de développement économique, industriel et numérique, mais aussi dans les domaines de la culture et de l’éducation, entre autres. Une feuille de route publiée sur le site de l’Élysée résume les grandes lignes adoptées dans chaque domaine.
En ce qui concerne les affaires étrangères, les deux pays s’engagent à renforcer leur coordination dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et la traite des êtres humains. Ils vont également « travailler à la promotion d’une politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne » ; une phrase qui, comme souvent dans ce domaine, manque cruellement de matière solide.
En termes de sécurité et de défense, « la France et l’Italie développeront leur coordination opérationnelle et leur coopération en matière de capacités, d’industrie de défense et de rapprochement de leurs forces ». Se tiendra désormais un Conseil franco-italien de Défense et de Sécurité, les deux États ayant « des intérêts sécuritaires étroitement liés ». La coopération entre les armées seront renforcées, tout comme la production de certains armements, domaine dans lequel les liens sont déjà importants (construction navale, missiles, Eurodrone, hélicoptère d’assaut, etc.)
Dans le domaine spatial, les ambitions visent le transport, la conception et la fabrication de satellites. Il s’agit aussi « d’œuvrer au développement et à l’évolution des programmes Ariane et Vega. » Côté économie et industrie, les titres principaux traitent du rapprochement des tissus industriels, de la souveraineté numérique européenne et de la coordination de la relance post-Covid, en ciblant certains secteurs stratégiques (industrie pharmaceutique, énergie, semi-conducteurs, batteries électriques, etc.).
Un « trépied Paris-Berlin-Rome »
Si dans les domaines cités plus haut la liste des coopérations à entamer ou développer est plutôt significative, les connaisseurs pourraient penser, qu’ailleurs, il n’y a pas grand chose de révolutionnaire. Ainsi Le Monde, dans son édito du 29 novembre, regrette que le texte contienne « bien peu de nouveautés ou d’ambitions concrètes à court terme. Face à cette timidité, le monde des entreprises et l’ensemble de la société, où s’expriment d’innombrables réalités partagées, paraissent très en avance sur la politique ».
Un des hommes derrière ce traité, Sandro Gozi, député européen et ancien secrétaire d’État italien aux Affaires européennes, souligne de son côté l’importance, non pas d’un axe, mais d’un « trépied Paris-Berlin-Rome ». « L’Europe à 27 ne va pas avancer comme un seul bloc, il faut créer un groupe de pays dynamiques. (…) La relation entre nos trois pays donne un socle géopolitique, économique, industriel, historique, qui selon moi est incontournable pour cette nouvelle phase de la construction européenne. »
Un socle appelé à s’élever à moyen terme ? « Il n’est pas interdit de rêver qu’on puisse à l’avenir aller plus loin, opine l’édito du Monde. Le traité franco-allemand de 1963 n’était pas un accomplissement mais un point de départ. Il faut souhaiter qu’il en soit de même avec ce traité du Quirinal. »
Gaëtan Mortier
Crédit photo : governo.it (licence Creative Commons)
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