Des représentants de 130 pays et des centaines d’experts se sont réunis la semaine dernière à Lisbonne lors d’une conférence visant à préserver la santé fragilisée des océans. Acidification du fait d’une absorption croissante de CO2, pollution par les déchets plastiques, surpêche, atteintes à la biodiversité ont été au cœur des échanges, en attendant des décisions concrètes encore à prendre lors de sommets à venir.
Les océans recouvrent les deux tiers de la surface de la planète, est-il coutumier de rappeler, et pourtant nous le connaîtrions moins bien que… la Lune. Les scientifiques ont identifié 250.000 espèces marines – ce qui ne signifie pas connaître – tandis qu’un million seraient encore à découvrir. Peut-être est-ce mieux pour leur survie, penseront certains. A moins que les atteintes graves et croissantes aux environnements marins ne les fassent disparaître avant même qu’elles aient été répertoriées. Autre chiffre clef rappelé à l’occasion de cette conférence dédiée à la sauvegarde des océans, co-organisée par le Portugal et le Kenya sous l’égide des Nations Unies : les océans absorbent 90 % de l’excès de chaleur provoqué par le réchauffement climatique et subissent en conséquence des vagues de chaleur marine destructrices pour leurs écosystèmes.
État d’urgence et effets en cascade
« Malheureusement nous avons pris l’océan pour acquis. Nous sommes actuellement confrontés à ce que j’appellerais un état d’urgence des océans » a déclaré en ouverture de conférence le secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres. Notre échec à préserver l’océan aura des effets en cascade ». Cinq jours de débats plus tard, gouvernements et chefs d’États ont signé une déclaration en faveur de la sauvegarde des océans, dont l’état est décrit comme globalement désastreux : « Nous sommes profondément alarmés par l’urgence mondiale à laquelle les océans sont confrontés ». Et de lancer cet appel à l’action : « Nous nous engageons à stopper et à inverser le déclin de la santé des écosystèmes et de la biodiversité de l’océan, à protéger et à restaurer sa résilience comme son intégrité écologique. (…) Nous appelons à un cadre mondial pour la biodiversité post-2020 ambitieux, équilibré, pratique, efficace, robuste et transformateur ».
Engagement déclaratif le plus notable, une centaine d’États souhaitent préserver au moins 30 % des océans grâce à des aires marines protégées d’ici à 2030. Un communiqué de presse des Nations Unies dévoile quelques exemples supplémentaires d’initiatives : atteindre la neutralité carbone pour 2040, réduire la pollution plastique, augmenter l’utilisation des énergies renouvelables, allouer des milliards de dollars à la recherche sur l’acidification des océans ainsi qu’aux projets de « résilience climatique ». La question d’un financement novateur est également abordée, ou invoquée, « pour favoriser la transformation vers des économies durables fondées sur les océans ».
Un premier pas avant des décisions concrètes ?
Un point crucial sera débattu prochainement, et risque de soulever des débats complexes : un éventuel moratoire visant à protéger les fonds marins de l’exploitation minière. Des métaux rares encore largement inexploités représentent des ressources économiquement très prometteuses. Des scientifiques promeuvent une exploration de ces fonds marins méconnus avant toute exploitation, tandis que d’autres s’y opposent d’emblée. Le gouvernement de la République des Palaos, un État insulaire de Micronésie (Océanie) a lancé une « Alliance des pays pour un moratoire contre l’exploitation minière des océans ». Un sujet sensible pour la France, par exemple, qui dispose du deuxième plus vaste domaine maritime mondial, après les États-Unis.
Au-delà des belles déclarations d’intention à laquelle les COP (conférences internationales sur le climat) nous ont habitués, des mesures concrètes devront être prises au cours des mois à venir, et surtout respectées. La conférence qui vient de se clore avait pour but de donner une impulsion au débat avant une série de sommets à venir. C’est le sens du message envoyé par le secrétaire général adjoint aux affaires juridiques des Nations Unies, Miguel de Serpa Soares : « Au cours des prochains mois, nous aurons plusieurs événements cruciaux qui offrent de nombreuses occasions de démontrer nos engagements et notre ambition de renverser la vapeur en faveur de la durabilité des océans ».
La prochaine étape se déroulera en août, à l’occasion de discussions à New York autour d’un traité sur la protection de la biodiversité en haute mer. C’est à dire au-delà des zones économiques exclusives des États, et donc des intérêts économiques nationaux, ce qui devrait rendre les décisions moins difficiles à prendre. Par la suite se tiendra en novembre en Égypte la traditionnelle COP, édition 27, puis en décembre au Québec la COP15 sur la biodiversité. Un accord sur la protection des océans pourrait être finalisé à cette occasion.
Gaëtan Mortier
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