Sous l’effet des conflits, des chocs économiques et des catastrophes climatiques, l’insécurité alimentaire s’est aggravée en 2022, selon un rapport publié cette semaine par le Réseau mondial contre les crises alimentaires. 258 millions de personnes ont souffert d’insécurité alimentaire aiguë contre 193 millions l’année précédente.
Les chiffres du 7e Rapport mondial sur les crises alimentaires (GRFC) témoignent d’un terrible retour en arrière. Dans l’avant-propos de cette étude fouillée longue de deux cents pages, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, regrette « l’échec de l’humanité à progresser vers le deuxième objectif du développement durable : mettre fin à la faim et parvenir à la sécurité alimentaire pour tous. Dans les faits, nous avons pris la mauvaise direction. Les conflits et les déplacements de masse continuent de provoquer la faim. L’augmentation de la pauvreté, l’accroissement des inégalités, le sous-développement rampant, la crise climatique et les désastres naturels contribuent aussi à cette insécurité alimentaire ». L’Onu souligne en outre que les chiffres communiqués n’ont jamais aussi été élevés depuis la création de ce rapport annuel.
Sur les 258 millions de personnes affectées par « l’insécurité alimentaire aiguë », qui n’est pas ponctuelle mais qui menace leur vie, 40 % vivent dans cinq pays : l’Afghanistan, l’Éthiopie, le Nigéria, la République démocratique du Congo et le Yémen. Sur les 58 pays étudiés dans le rapport, le plus sévèrement touché demeure la Somalie, très largement devant le Sud Soudan, lui-même trois fois plus touché que le Yémen.
Plus globalement, le Fonds international pour le développement de l’agriculture (Fida), l’Unicef, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’OMS estiment « qu’entre 702 et 828 millions de personnes ont été touchées par la faim en 2021 », soit environ 10 % de la population mondiale. Des chiffres également en hausse, puisque cela représente 46 millions de plus qu’en 2020 et 150 millions de plus qu’en 2019.
La crainte d’une déstabilisation mondiale
Au-delà des chocs économiques, « les conflits demeurent le principal moteur de ces crises alimentaires » écrit la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). L’impact de la guerre en Ukraine se fait sentir dans de nombreux pays dont les importations de blé dépendent pour beaucoup de la Russie ou de l’Ukraine. A cette dépendance s’ajoute celle concernant les engrais, dont le manque affecte déjà une productivité souvent trop basse pour assurer les besoins de populations toujours plus nombreuses.
L’actualité de nouveau brûlante au Soudan provoque de nouveaux déplacements de population très importants. La violence des combats à Khartoum a forcé le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) à suspendre ses activités, tandis que des entrepôts du Programme Alimentaire Mondial étaient pillés. Avant les combats les plus récents, déjà un tiers de la population avait besoin d’aide d’urgence.
Alors que le directeur du PAM redoute « une déstabilisation mondiale » et « des migrations de masse d’une ampleur inédite », le président du Fida regrette que « nous continuons de nous éloigner de notre objectif d’élimination de la faim d’ici 2030 ». Il fait en effet référence à un objectif essentiel de l’Agenda 2030, qui a été adopté en 2015 par 193 États membres de l’Onu.
G.M.
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