La Ligue arabe réintègre la Syrie

La Ligue arabe réintègre la Syrie

Le dictateur Bachar al-Assad vient probablement de vivre ses jours de diplomatie les plus doux depuis le début de la guerre civile déclenchée il y a douze ans. Alors que le régime de Damas avait été exclu en 2011 du fait de la répression sanglante de l’opposition, les 22 pays membres de la Ligue arabe l’ont invité le 7 mai dernier à la rejoindre de nouveau. Le roi Salmane d’Arabie saoudite lui a ouvert les portes du prochain sommet qui se tiendra à Jeddah le 19 mai.

Bachar al-Assad a pu rester au pouvoir malgré une guerre féroce ayant fait 500 000 morts, sauvé par le soutien sans faille de la Russie et de l’Iran. Plus surprenant encore, il est de retour aujourd’hui sur la scène diplomatique, grâce notamment à l’Arabie saoudite. Le dictateur syrien bénéficie du contexte de réchauffement récent des relations entre le royaume sunnite et son rival chiite iranien.

Interviewé par France 24, Fabrice Balanche, spécialiste de la géopolitique du Moyen-Orient, décrypte les enjeux : « Si les Saoudiens ont décidé cela, c’est pour faire un geste en direction de l’Iran – allié de Damas. En coulisse le deal est le suivant : d’un côté il s’agit de laisser le champ libre aux Iraniens en Syrie en arrêtant de soutenir l’opposition syrienne. Et de l’autre côté, l’Iran promet de calmer le jeu avec le Yémen et que les Houthis [alliés chiites des Iraniens] cessent de lancer des missiles sur l’Arabie saoudite ».

Un dialogue turco-syrien parrainé par Poutine

Des enjeux économiques sont aussi mis en avant pour expliquer cette évolution : la Syrie doit être reconstruite et a donc besoin d’investisseurs. La presse souligne également les conséquences diplomatiques du séisme de février dernier, qui a durement frappé la Turquie comme la Syrie. Sur fond d’aide humanitaire, le drame aurait accéléré le rapprochement personnel avec les dirigeants d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, d’Égypte et de Turquie. Cela peut en effet être une version « présentable » de raisons stratégiques bien plus profondes.

Les ministres des Affaires étrangères turc et syrien se sont rencontrés mercredi en Russie, alors que sur le terrain militaire la Turquie n’a jusqu’à présent pas hésité à soutenir l’opposition et à frapper les forces syriennes. Les enjeux comme les difficultés d’un tel rapprochement orchestré par Vladimir Poutine sont évoqués par RFI (« La Turquie et la Syrie s’accordent sur une feuille de route pour normaliser leurs relations »).

Les réserves du Qatar

Une voix discordante s’est toutefois faite entendre au sein de la Ligue arabe au moment de réintégrer le régime de Bachar al-Assad. Le Qatar, qui a aidé l’opposition syrienne dans la guerre, a exprimé ses réserves quant à la réintégration de la Syrie, sans pour autant voter contre. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères qatari, Majed Al-Ansari, a déclaré que toute normalisation entre Doha et Damas devrait être liée à des progrès politiques « qui répondent aux aspirations du peuple frère syrien ». Sans oublier de dénoncer à nouveau les « crimes » commis par le régime. Le Qatar ne souhaite pas encore la normalisation de sa diplomatie avec la Syrie, mais il a voulu privilégier l’unité de la Ligue arabe et les relations avec ses puissants voisins.

Comme le rappelle Le Monde dans l’éditorial « La Ligue arabe blanchit le régime Assad », « cette réintégration de la Syrie au sein de la Ligue arabe constitue aussi un brevet d’impunité décerné par des régimes qui attendent la même en retour de la part de leurs pairs pour pouvoir continuer de réprimer en toute quiétude ».

G.M.

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